ARCHIVÉE - Aborder les facteurs psychosociaux à l'aide d'une approche axée sur le renforcement des capacités : Un guide pour les gestionnaires de sites contaminés

2005
ISBN : 0-662-74481-0
No de catalogue : H46-2/05-430F


Table des matières

Avant-Propos

Ce guide a été mis au point par le Programme des Sites Contaminés de la Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs de Santé Canada. Le contenu original a été fourni par Richard Lafond, consultant, et la mise au point du texte a été faite par Creative Solutions Communications.

Le Programme des Sites Contaminés a pour mandat d'offrir du soutien, de la formation et des conseils d'experts aux ministères gardiens fédéraux chargés de gérer les sites contaminés et de les aider à examiner les préoccupations soulevées par les communautés touchées et par d'autres intervenants.

Le personnel de Santé Canada chargé de mener des évaluations des risques pour la santé humaine a retenu une leçon importante, à savoir que les évaluations des risques n'apportent pas toute l'information nécessaire pour bien gérer un site contaminé. Il faut adopter une approche plus globale, faisant notamment appel à la participation du public, lorsque l'on examine les questions de santé humaine associées aux sites contaminés. Les gestionnaires de site doivent non seulement tenir compte des préoccupations immédiates des intervenants en matière de santé, mais aussi reconnaître qu'un ensemble complexe de facteurs - psychologiques et sociaux - contribuent au bien-être physique, émotionnel et psychologique des intervenants et ont une incidence importante sur leur capacité de prendre réellement part à tout processus de participation. L'incidence des facteurs psychosociaux sur la communauté touchée peut jouer un rôle important dans l'efficacité de la gestion du site.

Ce guide permettra de jeter les bases d'une compréhension des affects psychosociaux des personnes qui vivent et travaillent près d'un site contaminé. Il brossera également un tableau de l'approche axée sur les capacités communautaires à l'égard de ces questions et présentera des stratégies pour l'élaboration d'un plan de participation du public. Ce guide doit être utilisé de concert avec le document d'orientation de Santé Canada intitulé. L'amélioration des relations avec les parties intéressées : l'implication du public et les sites contaminés.

1.0 Introduction

Depuis quelques années, les responsables de la gestion des sites contaminés reconnaissent de plus en plus que le travail ne doit pas se borner à retirer l'agent nocif. La présence d'un contaminant dans l'environnement a sur les gens, à titre individuel et collectif, des répercussions complexes qui vont au-delà des préoccupations immédiates pour la santé reliées directement au contaminant. L'incidence des facteurs psychosociaux sur les résidants d'un secteur contaminé peut, en particulier, avoir un impact important sur l'efficacité de la gestion du site.

Les facteurs psychosociaux s'entendent des aspects sociaux, psychologiques et culturels des interactions humaines et de leurs effets sur le bien-être mental. Loin d'agir seuls, ces facteurs forment un ensemble complexe qui peut avoir des répercussions sur la vie des individus et des communautés vivant près des sites contaminés. Leur intensité et leur impact varient selon la proximité du site, le degré d'exposition, les pertes subies et les efforts déployés par les autorités pour prendre des mesures psychosociales adaptées à la situation.

Les gestionnaires de site devraient chercher autant à comprendre les effets émotionnels et sociaux de la contamination qu'à recueillir des données scientifiques de qualité et de l'expertise technique. Les analyses scientifiques et psychosociales doivent être intégrées au plan global du site contaminé pour que ce dernier soit bien géré. Cette approche, qui s'appuie sur la compréhension du concept des capacités communautaires, permettra d'adopter des stratégies efficaces de participation du public.

Les capacités communautaires désignent l'aptitude d'une communauté à s'attaquer aux aspects qui peuvent nuire à son bien-être et à sa viabilité. Pour intégrer cette approche à la gestion d'un site contaminé, il faut soutenir constamment la participation de la communauté à tous les stades de l'identification, de l'évaluation et de l'assainissement des sites. Il est bon, pour ce faire, de favoriser la formation et le développement des compétences des intervenants et d'offrir des ressources pour faciliter l'engagement communautaire. Gérer des sites contaminés sans participation significative de la communauté peut créer un climat de méfiance et de frustration susceptible de retarder un processus d'évaluation ou une stratégie d'assainissement.

Ce document traite des facteurs psychosociaux associés à l'identification, à l'évaluation et à l'assainisse-ment des sites. Ces facteurs sont répartis en deux grandes catégories : Section 2 (les facteurs psychologiques), c'est-à-dire ceux qui ont trait principalement au bien-être émotionnel des résidants à titre individuel, et Section 3 (les facteurs sociaux), qui ont trait principalement au bien-être des résidants à titre de membres d'une communauté. (Une liste des facteurs répartis dans les catégories courantes des sciences de la santé, soit les effets physiques, cognitifs, émotionnels et comportementaux, figure à l'annexe.) La Section 4 (Approche axée sur les capacités communautaires) de ce document présente des stratégies concrètes pour l'élaboration de plans de participation du public qui s'attaquent à ces facteurs psychosociaux à l'aide d'une approche axée sur les capacités communautaires.

2.0 Facteurs psychologiques

La santé psychologique joue un rôle tout aussi important dans le bien-être global que la santé physique, et elle devrait être partie intégrante de la pratique de la santé publique, et plus précisément des interventions de santé publique liées aux sites contaminés. Les résidants de communautés exposées à des substances dangereuses considèrent souvent que l'expérience est stressante sur le plan émotionnel. Ils passent souvent par une gamme de réactions psychologiques, dont les plus courantes sont énoncées ci-après.

2.1 PEUR

Fait peu étonnant, la peur est probablement la réaction psychosociale la plus courante lorsque l'on apprend que des substances dangereuses sont présentes dans une communauté. Dans la plupart des situations dangereuses, la population peut fuir un danger ou le combattre. Mais les gens qui vivent à proximité d'un site contaminé ne peuvent pas fuir le danger et ils doivent, en conséquence, vivre avec leur peur pendant de longues périodes. Une peur prolongée peut se muer en angoisse, en dépression et en sentiment d'impuissance.

2.1.1 Peur des dangers immédiats pour la santé

Les gens craignent par-dessus tout que leur santé soit menacée par l'exposition actuelle ou par une exposition passée. Des dangers inévitables et immédiats comme la contamination de l'air, de l'eau ou des aliments suscitent des émotions particulièrement vives.

2.1.2 Peur des effets à long terme

La population redoute aussi les effets cumulatifs sur la santé de l'exposition de longue durée à des agents contaminants; elle craint de subir des effets sur la santé comme le cancer, les malformations congénitales et une réduction de la durée de vie. Ces inquiétudes viennent renforcer le sentiment de vulnérabilité, car « la population touchée ne sait pas du tout si le pire est passé ou à venir »[traduction]. Même après le confinement ou le nettoyage du contaminant, la sensation de danger persiste souvent, et « le sentiment, tant au niveau individuel que collectif, que le dossier est clos, demeure inatteignable » [traduction]1.

2.1.3 Crainte pour le bien-être des enfants

La présence de substances contaminées augmente également les craintes de la population au sujet de la santé et du bien-être des enfants. Si le site contaminé est situé à proximité d'un secteur résidentiel, les parents craignent que les jeunes enfants soient exposés à la substance toxique en jouant à l'extérieur, en portant de la terre à leur bouche, en buvant de l'eau ou par d'autres moyens. La communauté s'inquiète parfois tout particulièrement des risques pour les femmes enceintes ou pour les femmes qui allaitent2.

2.1.4 Dangers invisibles

Les gens ont souvent peur de ce qu'ils ne peuvent pas voir. La présence de substances toxiques inodores, incolores et invisibles à l'oeil nu les trouble donc tout particulièrement. Une connaissance incomplète du niveau d'exposition ou des conséquences à venir vient renforcer cette crainte.

Les personnes qui vivent près d'un site contaminé vivent un stress supplémentaire par rapport à celles qui sont menacées par une catastrophe naturelle : elle ignorent si elles ont été exposées au danger ou non. Souvent, la présence des substances dangereuses ne peut pas être ressentie, et leurs effets néfastes sur la santé peuvent se révéler plus tard. Ce manque de connaissances peut causer énormément de crainte et de stress.

2.1.5 Facteurs alarmants

Les craintes des résidants peuvent être exacerbées par certains facteurs alarmants, soit des conditions qui augmentent le degré d'inquiétude suscitée par les risques. Il s'agit notamment des conditions suivantes :

  • Le risque est perçu comme imposé et inévitable.
  • La cause principale du risque est humaine plutôt que naturelle (quelqu'un doit en porter le blâme) ou est considérée comme telle.
  • Les résidants reçoivent des autorités responsables des messages contradictoires ou confus au sujet des risques (ce qui les amène à supposer que l'information est tenue secrète).
  • La substance dangereuse pose un danger particulier pour l'avenir, p. ex. elle pourrait causer des maladies de nombreuses années après l'exposition.
  • Le risque est considéré comme distribué inéquitablement (entraînant des conflits à l'intérieur de la communauté).
  • Le risque est mal compris par la science3.

2.1.6 Croyances au sujet du risque

Les facteurs réels qui influent sur le niveau de risque diffèrent des « croyances au sujet du risque », qui sont des notions subjectives de ce que signifie le danger. Les croyances au sujet du risque des résidants qui vivent près d'un site peuvent aussi renforcer la perception du risque associé à un site, ce qui fait monter les niveaux de peur et d'anxiété. Dans certaines situations où, selon les experts, le risque associé à un site contaminé est minime, les résidants peuvent tout de même avoir la sensation de courir un risque considérable.

Certains indices perceptifs influent sur les croyances de la population au sujet du risque :

  • Odeurs émanant des sites d'enfouissement
  • Odeurs ou saveurs inhabituelles de l'eau de puits
  • Couleur inhabituelle du sol ou de l'eau sur le site
  • Volume élevé de circulation de camions autour du site
  • Érection d'une clôture à mailles métalliques près du site
  • Installation de panneaux d'avertissement près du site
  • Analyses sur place, surtout si elles sont faites par des travailleurs portant des ensembles de protection4.

2.2 SENTIMENTS DE VULNÉRABILITÉ ET D'IMPUISSANCE

L'exposition à des substances toxiques peut provoquer un profond sentiment de vulnérabilité - une perte de tout sentiment de sécurité. Elle peut ébranler la conviction profonde de vivre dans un monde sûr, dans un environnement qui ne peut soudainement se révéler menaçant. Un membre d'une communauté ojibwa touchée par une intoxication au mercure a affirmé ce qui suit : « Je ne comprends pas. Je ne comprends pas comment la terre peut se retourner contre nous. »[traduction]5

Si la durée ou la source du danger est inconnue, ce sentiment de fragilité et de vulnérabilité peut s'intensifier. En définitive, le caractère invisible de nombreuses substances toxiques, l'absence de solutions claires en matière de santé et le « délai entre l'exposition et l'apparence de maladie chronique liée à l'exposition » [traduction] peuvent créer des sentiments intenses d'impuissance et de perte de contrôle chez les personnes exposées à une substance contaminée6.

2.3 COLÈRE

La colère est une réaction typique des gens qui se sentent affaiblis par les pertes qu'ils ont subies ou impuissants face à une situation. L'irritabilité, l'hostilité, la colère et même la rage sont particulièrement susceptibles de se manifester dans les circonstances suivantes :

  • Les résidants estiment qu'ils reçoivent un traitement injuste de la part des représentants officiels du gouvernement, des experts en assurances, etc.
  • Les représentants officiels ne semblent pas vouloir tenir leurs promesses
  • Des besoins urgents restent sans réponse en raison de complications bureaucratiques.
  • L'indemnisation ne répond pas aux attentes.
  • Les personnes ou les organisations responsables de la contamination ne sont pas punies.

La colère peut se faire plus intense et plus persistante si l'événement découle clairement d'une défaillance ou une négligence humaine.

2.4 MÉFIANCE

2.4.1 Perte de la foi dans les représentants officiels

Il est fort probable que les personnes touchées par des sites contaminés perdent, en tout ou en partie, leur confiance envers les représentants du gouvernement et d'autres agents publics. Le groupe de travail chargé d'étudier les effets de l'incident nucléaire de Three Mile Island sur le comportement et la santé mentale a fait l'observation suivante :

« Ce qui vient encore aggraver les choses, c'est que les gens qui ont été sensibilisés par l'exposi-tion à une urgence toxique peuvent cesser de croire non seulement à la bonne volonté des responsables d'un contexte dangereux mais aussi à la justesse de leur perception de la réalité. Il n'est pas du tout certain qu'« ils » puissent dire la vérité même s'ils veulent le faire, car ils ne savent pas ce qui se passe eux non plus. » [traduction]7

Si un gouvernement ou son agence a pris part aux activités de contamination, les résidants sont particulièrement susceptibles de se méfier des décisions qu'il prendra au sujet du site. Les étangs bitumineux de la région de Sydney, en Nouvelle-Écosse, ont fourni un bon exemple de ce problème en 2001. La conviction chez les résidants du secteur que les efforts d'assainissement antérieurs dirigés par le gouvernement avaient été mal gérés a créé un climat de soupçon, de méfiance et de crainte dans l'ensemble de la communauté. Elizabeth May, résidante du secteur et présidente du Sierra Club, a fait écho aux inquiétudes d'une bonne partie de la population de Sydney lorsqu'elle a mis en doute l'objectivité d'un rapport d'évaluation des risques, accusant les gouvernements fédéral et provincial de se trouver en « conflit d'intérêts flagrant » [traduction]du fait qu'ils possédaient les sites tout en étant responsables de leur évaluation8.

2.4.2 Méfiance sociale

Les résidants touchés peuvent aussi en venir à se méfier de l'ensemble de la communauté. Se sentant déjà abandonnés par les autorités qui, selon leurs attentes, devaient les protéger, ils craignent parfois que leur communauté ne veuille ou ne puisse pas leur offrir le soutien dont ils auront besoin au moment où ils seront le plus vulnérables.

...la méfiance sociale est peut-être l'une des conséquences les plus néfastes... Les gens ont besoin de sentir que leur société prend soin d'eux, et entre autres qu'elle reconnaît le stress psychologique et social causé par les situations de doute inextirpable et de danger personnel potentiellement désastreux9.

2.5 DEUIL

Le deuil désigne généralement le processus émotionnel entraîné par la perte d'une personne importante dans sa vie affective. On peut cependant se sentir en deuil à la suite de la perte d'éléments moins concrets de son bien-être émotionnel. Les personnes touchées par un site contaminé peuvent vivre un deuil à la suite de la perte des éléments suivants :

  • la santé
  • la joie de vivre, de rêver ou de faire des projets
  • la maison, le quartier ou les systèmes de soutien
  • la vie culturelle et sociale
  • l'emploi ou le commerce
  • l'indépendanc
  • le sentiment de la communautéx
  • le mode de vie

Il est à noter qu'un sentiment de deuil et de perte est souvent étroitement lié à la peur. Ainsi, les gens peuvent craindre de subir des pertes, surtout par rapport à la peur de mourir en bas âge ou de voir des êtres chers, en particulier des enfants, contracter des maladies graves ou mourir.

2.6 CULPABILITÉ

La culpabilité du survivant est une réaction marquée que l'on observe souvent chez les survivants d'une catastrophe, et des réactions semblables se retrouvent chez les personnes dont des parents, des amis ou des voisins ont été affectés par un site contaminé.

Des résidants du secteur peuvent également se sentir coupables de ne pas avoir quitté le site ou de ne pas avoir écouté les amis ou les parents qui leur avaient conseillé de ne pas emménager dans le secteur et d'avoir ainsi, peut-être, mis en péril leur santé et celle de leurs enfants.

2.7 SENTIMENT DE DÉPERSONNALISATION

Les gens qui vivent à proximité d'un site contaminé se sentent parfois dépersonnalisés par le processus d'évaluation du problème mené par les experts. Certains affirment qu'après avoir répondu à une foule de questionnaires ou d'entrevues de recherche traitant des effets sur la santé, ils ne se sentaient plus comme des êtres humains mais plutôt comme des objets mesurés ou des données statistiques.

2.8 FRUSTRATION

La lenteur du nettoyage d'un grand nombre de sites contaminés peut susciter des sentiments de frustration dans les communautés touchées. La population juge que le délai entre la découverte d'un danger et son élimination est déraisonnable et déteste se sentir incapable d'y changer quoi que ce soit. Les contacts difficiles avec les organismes bureaucratiques pour des questions liées à la décontamination et à l'indemnisation peuvent être une source de frustration.

2.9 ISOLEMENT

Un sentiment d'isolement envahit souvent les communautés situées à proximité des sites contaminés. Les gens estiment que ceux qui n'ont jamais été exposés à une substance toxique ne peuvent comprendre cette réalité. Ils croient aussi que tout le processus qui entoure le site contaminé crée une distance, car il peut être long et compliqué et mettre en cause plusieurs organismes différents.

2.10 DÉPRESSION

Les gens qui vivent près d'un site contaminé peuvent, tout comme ceux qui ont subi le traumatisme d'une catastrophe naturelle, connaître la dépression en raison des pertes qu'ils ont subies et des problèmes liés à la remise sur pied. Mais tandis que les victimes d'une catastrophe retrouvent lentement un sentiment de bien-être général au fil de la reconstruction de leur maison et de leur quartier et de la diminution de leurs réactions de stress, celles qui sont toujours exposées à des substances dangereuses ne voient aucune solution à leur dilemme. Lorsque les résidants touchés prennent vraiment conscience de la réalité et des effets à long terme de la vie près d'un site contaminé, ils risquent de faire de la dépression chronique. Ils risquent de connaître de fréquents épisodes de tristesse, de retrait, de désorganisation, de lassitude et de frustration. Ils perdent parfois tout intérêt envers les activités quotidiennes ou les amis et, dans certains cas, ils se tournent vers la toxicomanie.

3.0 Facteurs Sociaux

Un site contaminé et les activités associées à l'identification, à l'évaluation et à l'assainissement de ce site peuvent avoir des effets sur les résidants non seulement à titre d'individus mais aussi à titre de membres d'une communauté. Il ne s'agit pas nécessairement de réactions émotives directes, mais de questions liées à la vie économique ou culturelle ou d'interactions à l'intérieur de la communauté, lesquelles peuvent à leur tour engendrer du stress et des réactions émotives. Cette section présente certains des facteurs sociaux les plus importants en ce qui concerne les sites contaminés et leur assainissement.

3.1 PRÉOCCUPATIONS ÉCONOMIQUES

3.1.1 Coûts

L'identification, l'évaluation ou l'assainissement d'un site contaminé peut entraîner toute une gamme de coûts qui peuvent miner le bien-être de la population touchée de diverses façons :

  • Baisse de la valeur des propriétés et/ou fuite des touristes hors de la communauté ou de la région en raison de la mauvaise publicité (p. ex. effet de l'éclosion du SRAS à Toronto);
  • Isolement et boycottage des biens par les voisins (p. ex. produits de la ferme);
  • Coûts liés à la responsabilité et à l'indemnisation;
  • Coûts liés à la perte de revenu (p. ex. fermeture d'une industrie identifiée comme une cause de contamination);
  • Pertes en capital (p. ex. en cas d'évacuation d'une communauté);
  • Dépenses pour le logement temporaire et la nourriture;
  • Restriction des activités liées à l'agriculture, aux forêts, à la pêche ou aux mines et baisse de la valeur de ces industries;
  • Coûts de la décontamination ou du nettoyage;
  • Impact du nettoyage sur les pratiques agricoles ainsi que sur la production et la consommation alimentaires;
  • Coûts liés aux effets à long terme sur la santé (p. ex. cancer, malformations congénitales)10.

Ainsi, la contamination issue de décennies d'exploitation minière et de fonderie (or et argent), de traitement des déchets nucléaires (pour récupérer le cobalt) et de production de pesticides a eu des conséquences dévastatrices sur l'économie de Deloro (Ontario), dans le bassin hydrographique de la rivière Moira, dans le sud-est de l'Ontario. La valeur des propriétés à Deloro, dont les résidants se souviennent de n'avoir pas pu étendre la lessive sur la corde à linge du temps de la fonderie en raison de la suie très contaminée qui souillait l'atmosphère, en a lourdement pâti, et la diminution de l'assiette fiscale qui en a découlé a restreint largement l'accès à la bibliothèque et au centre communautaire. Le tourisme au lac Moira a diminué, aggravant d'autant les difficultés économiques11.

Les pertes économiques importantes, ou même la simple peur de subir de telles pertes, peuvent provoquer des réactions psychologiques intenses. Elles peuvent faire voler en éclats le sentiment de sécurité des gens et miner profondément et pour longtemps leur sentiment de valeur personnelle. Certaines personnes peuvent conclure que leur vie est ruinée.

3.1.2 Problèmes liés à l'aide financière et à l'indemnisation

L'indemnisation et les autres formes d'aide financière destinées aux communautés touchées peuvent parfois causer d'autres problèmes; elles peuvent notamment susciter des déceptions et des désillusions. Les résidants désenchantent si on leur avait promis une indemnisation qui tarde à venir ou qui n'est pas à la hauteur de leurs attentes.

Ceux qui ont été indemnisés se sentent mis à l'écart de l'ensemble de leur communauté si leurs voisins les envient ou s'ils se font taxer d'ingratitude lorsqu'ils réclament des services et une indemnisation supplémentaires.

3.2 CONFLITS COMMUNAUTAIRES

L'assainissement des sites contaminés peut engendrer des scissions, provoquer des conflits à l'intérieur d'une communauté et susciter des sentiments de méfiance et d'appréhension. Par exemple :

  • Ceux qui estiment que la contamination a nui à leur santé et à leur bien-être peuvent en vouloir à ceux qui n'ont subi aucun effet.
  • Ceux qui affirment avoir été contaminés peuvent être montrés du doigt et subir de la discrimination.

Des factions peuvent se former avec conflits à la carte autour de diverses questions, dont les suivantes :

  • La gravité du danger ou l'importance du tort subi
  • La pertinence des mesures prises, notamment en matière de litige, d'indemnisation ou de réinstallation
  • Les relations avec les autorités municipales, provinciales et fédérales
  • Les résultats d'échantillonnage (sang, air, sol, eau)
  • La prétention, de la part d'une personne ou d'un groupe, de représenter les intérêts des parties en cause
  • La durée de chacune des étapes de la gestion d'un site contaminé
  • Le bouleversement de la communauté, notamment l'effondrement des réseaux sociaux et ses effets sur le mode de vie traditionnel
  •  Le blâme pour toute dévalorisation de la communauté

Le site contaminé de Deloro (Ontario), mentionné plus haut, fournit un exemple de conflit communautaire :

De nombreux membres de la communauté veulent avoir la possibilité de se réinstaller ailleurs si l'assainissement ne répond pas rapidement à leurs inquiétudes en matière de santé. D'autres ne croient pas que la contamination peut avoir des effets sur la santé et veulent cesser d'en parler afin que la valeur des propriétés se rétablisse12.

3.3 PRÉOCCUPATIONS CULTURELLES

La contamination d'un site voisin peut nuire à la vie culturelle d'une communauté, surtout si son héritage et ses traditions sont liés à la ressource contaminée.

Par exemple, les communautés ojibwas vivant près de la rivière Wobegon dans le nord de l'Ontario, dont la subsistance et le revenu reposaient sur la pêche, ont subi des répercussions culturelles profondes lorsque la consommation du poisson a été interdite en raison de la contamination de l'écosystème du lac par le méthylmercure13. Les sites contaminés peuvent aussi causer de graves perturbations dans les communautés rurales où l'usage de l'eau (pour la baignade et la pêche) ou de la terre (pour la chasse, le piégeage, la cueillette des petits fruits et des champignons, le camping, etc.) joue un rôle important dans la culture et l'économie.

3.4 RÉINSTALLATION DE LA COMMUNAUTÉ

La réinstallation est peut-être le plus grand bouleversement que peuvent causer l'identification, l'évaluation et l'assainissement d'un site contaminé. Si cette mesure exceptionnelle s'avère nécessaire, les gestionnaires de site doivent s'attendre à ce que le niveau de stress psychologique et social monte encore d'un cran.

Il est également important de garder à l'esprit que la réinstallation ne met pas fin aux préoccupations psychosociales. Même si le principal facteur de stress ne constitue plus un danger direct à cette étape, les effets de l'exposition à des substances dangereuses et les problèmes de vie associés au déplacement demeureront des sources de stress pour la population touchée. En fait, l'éclatement d'une communauté et les bouleversements du tissu social, du mode de vie et de la culture qui l'accompagnent peuvent avoir des effets psychosociaux plus graves que la contamination elle-même.

4.0 Approche axée sur les capacités communautaires

Les gestionnaires de site doivent intégrer l'étude des préoccupations psychosociales au plan de gestion global d'un site contaminé. C'est l'approche axée sur les capacités communautaires qui permet le mieux de s'attaquer à ces préoccupations tout comme aux autres éléments de l'identification, de l'évaluation et de l'assainissement du site. C'est une approche qui table sur les aptitudes d'une communauté et sur l'utilisation de ses forces et de ses ressources pour entamer le rétablissement et résoudre les problèmes. Donner aux résidants des moyens de participer vraiment à toutes les étapes du processus de gestion du site et même de les maîtriser peut, en soi, aider à combattre les sentiments d'impuissance et de perte de contrôle que la vie près d'un site contaminé peut engendrer. Cette stratégie peut renforcer le sentiment de sécurité, l'estime de soi, la compétence et la confiance des membres de la communauté. Informés et outillés, les résidants sont plus en mesure de comprendre les facteurs de risque et donc de résister à l'anxiété liée à la perception subjective des risques.

Les projets de décontamination entrepris sans la participation de la communauté, pour leur part, peuvent provoquer une colère et une méfiance intenses et durables dans une communauté, mettre en péril le succès du projet et créer un état de détresse tenace chez les résidants.

Cette section présente des stratégies pour les gestionnaires de site chargés d'élaborer un Plan de Participation du Public qui abordera les facteurs psychosociaux de la communauté touchée selon une approche axée sur ses capacités. On trouvera d'autres lignes directrices sur l'élaboration d'un plan de participation du public dans le document d'orientation de Santé Canada intitulé L'amélioration des relations avec les parties intéressées : l'implication du public et les sites contaminés.

4.1 PRÉVOIR, PLANIFIER ET CONSULTER

Dès le début du processus de planification, apprenez à connaître la communauté - son histoire, sa géographie, sa culture, ses citoyens, ses valeurs et ses préoccupations, sans oublier les détails de la contamination. Prévoyez autant que possible l'intensité et le genre de réactions de stress psychosocial que cette communauté risque de connaître. Cette recherche de base revêt une importance particulière si les résidants ignoraient qu'ils vivaient à proximité d'un site contaminé.

Idéalement, des prévisions réfléchies et une planification soignée devraient vous permettre de proposer rapidement des mécanismes d'adaptation et de réduire ainsi les symptômes physiques et psychologiques causés par le stress lié à la contamination. Consultez des organisations, des agences ou des groupes psychosociaux locaux et amenez-les à prendre part aux tâches suivantes :

  • Cerner et évaluer les facteurs psychosociaux importants qui touchent les résidants
  • Aider les résidants à exprimer et à faire connaître leurs préoccupations
  • Organiser des activités d'encadrement pédagogique dans le domaine psychosocial pour tous les groupes d'âge

Consultez les membres de la communauté dès le début du processus de consultation. Allez au-devant d'eux.Traitez-les comme de véritables partenaires, en respectant leurs valeurs, leurs priorités et leur connaissance de la communauté. Partagez avec eux la propriété et la responsabilité du projet, le travail à faire et le crédit qui s'y rattache.

Ce processus de consultation doit être visible - veillez à ce que la communauté en soit informée et reçoive des mises à jour régulières. Il doit être rassembleur et accessible et faire appel à toutes les parties intéressées. Il doit en outre se poursuivre tout au long de la planification de l'assainissement et notamment des étapes suivantes :

  • Fixer des buts
  • Évaluer les options
  • Fixer des prioritésx
  • Évaluer différentes stratégies de gestion des risques
  • Prendre les décisions finales14

Ainsi, l'équipe du projet de la mine Giant, responsable du nettoyage du site de la mine Giant près de Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest, a appris à quel point il était important d'obtenir la participation de la communauté dès le départ. L'équipe avait de bonnes intentions : elle a tenu des séances d'information de la population, elle a invité des groupes communautaires à examiner diverses options de décontamination du site et à en discuter et elle a créé un comité de liaison communautaire. Les premiers exposés ont toutefois été faits par des consultants de l'extérieur, et le comité de liaison communautaire a été formé assez tard. La communauté a donc eu le sentiment de ne pas avoir suffisamment pris part à l'établissement des priorités de décontamination. Si elle avait été intégrée plus tôt, les résultats auraient peut-être été les mêmes, mais le processus aurait obtenu davantage de soutien et de confiance de la part des résidants locaux15.

Autre exemple : Nexen Canada a intégré la communauté locale aussitôt après avoir découvert qu'un puits de gaz sulfureux creusé par une société remplacée 40 ans plus tôt n'avait pas été bien nettoyé :

Nous avons d'abord rencontré les résidants et les intervenants touchés, et nous les avons intégrés au processus de prise de décisions pour le nettoyage. Nous avons proposé diverses options d'assainissement, puis nous avons écouté leurs préoccupations et leurs suggestions. Après des mois de dialogue, de consultation et d'ingénierie détaillée, Nexen a conçu un plan de gestion avec les résidants, les autorités sanitaires régionales, les organismes de réglementation et les leaders municipaux pour éliminer la contamination16.

Grâce à cette consultation effectuée dès les premières étapes de la planification, le nettoyage s'est fait dans un climat de confiance et de coopération avec la communauté, presque à l'abri des médias.

4.2 ASSURER LA TRANSPARENCE

L'expérience passée, dans le domaine psychosocial, a montré que les gens ont des réactions rationnelles face à un danger. Ils s'attendent à ce que les représentants officiels les informent, dans un langage clair, sur les questions suivantes :

  • La nature du danger
  • Les effets qu'il pourrait avoir sur leur bien-être physique et mentalx
  • Les mesures à prendre pour se protéger

Un Plan de Participation du Public devrait viser à répondre à ces attentes raisonnables. Si vous établissez des interactions continues, manifestes et sincères et si vous communiquez volontiers l'information et êtes disposé à répondre aux questions, vous ne manquerez pas de gagner la confiance et le respect des membres de la communauté.

Il importe de communiquer l'information non seulement de façon complète et honnête, mais aussi avec clarté. Même dans les cas où les spécialistes en environnement et les représentants officiels du gouvernement fournissent une information complète, ils présentent souvent leurs constatations ou leurs conclusions au sujet d'un site contaminé dans des termes et des acronymes scientifiques et bureaucratiques qui peuvent embrouiller le citoyen moyen. Pire encore, l'usage d'un vocabulaire inutilement complexe ou abstrait peut éveiller les soupçons et la méfiance, les citoyens estimant que l'intention énoncée n'est pas la vraie mais est plutôt l'une de celles-ci :

  • Désamorcer une situation
  • Amadouer une population
  • Donner à des choses très dangereuses une apparence inoffensive
  • Masquer les dangers
  • Rallier la population17

L'utilisation d'un langage clair indique que l'on respecte la population, que l'on prend ses préoccupations à coeur et que l'on veut établir avec elle un partenariat axé sur la collaboration et l'information. Si des termes peu connus doivent être employés pour plus d'exactitude, préparez un glossaire qui les explique en langage clair et diffusez-le largement.

Envisagez d'engager un spécialiste en environnement indépendant (non lié au gouvernement) pour aider la communauté à comprendre les constatations et les conclusions scientifiques.

L'expérience de Nexen a permis de confirmer que « ...l'accessibilité et la fourniture d'information sur le projet permettent d'atténuer en partie le stress et la confusion qui peuvent entourer un grand projet »18. [traduction]

4.3 RECONNAÎTRE ET RESPECTER L'EXPERTISE LOCALE

En plus de favoriser la participation de la population, le Plan de Participation du Public doit témoigner du respect pour sa compétence. Reconnaissez que les membres de la communauté sont des experts de leur milieu et représentent donc les meilleures ressources pour concevoir et adapter une intervention qui lui convienne. Faites confiance aux résidants, car ils sont les mieux placés pour faire face aux défis que présentent la prévention du stress et l'éducation.

Veillez à ce que les groupes consultatifs soient le plus larges et le plus représentatifs possible. La population se plaint souvent que les membres de ces groupes soient triés sur le volet par les organismes gouvernementaux ou de réglementation. Il importe donc que les citoyens - et non pas seulement la panoplie d'associations d'intervenants, de lobbyistes et de groupes d'intérêts qui représentent la population - participent à la formulation des politiques, à l'établissement des priorités et à la prestation des programmes.

Soyez prêts à dégager les fonds nécessaires pour le projet. Les processus communautaires doivent bénéficier d'un appui solide sur le plan des politiques et des ressources à tous les niveaux de gouvernement, et notamment de fonds adéquats pour le soutien administratif et technique. Engagez du personnel local pour diriger le processus et prendre part à tous ses aspects.

Attendez-vous à ce qu'une approche axée sur les capacités communautaires soit lente. C'est un processus de collaboration qui exige du temps et de l'attention.

Reconnaissez également que cette approche signifie que les décisions et les recommandations du groupe n'iront pas nécessairement dans le sens des stratégies ou de politiques du gouvernement. La population pourrait rejeter ou vouloir modifier un plan de site contaminé qui aurait la faveur des organismes gouvernementaux. S'il y a des limites aux changements qui peuvent être apportés à l'issue de la consultation de la population, énoncez-les clairement dès le départ et motivez-les.

4.4 FACILITER LA COMMUNICATION AVEC LA COMMUNAUTÉ

Veillez à ce que votre Plan de Participation du Public prévoie des communications non seulement entre les résidants et les autorités, mais aussi entre les résidants eux-mêmes. Bon nombre de résidants de sites contaminés qui cherchent à redonner un sens à leur vie et à reprendre confiance sont heureux de pou-voir partager leurs réactions avec d'autres personnes aux prises avec les mêmes difficultés. Savoir que la plupart des gens se sentent comme eux les aide à accepter leur situation.

Les bulletins communautaires peuvent aider les membres de la communauté à partager leur expérience entre eux et avec d'autres personnes. Ils peuvent aussi contribuer à calmer la colère et la frustration de plusieurs façons :

  • Permettre aux résidants d'exprimer leurs préoccupations au sujet d'un projet
  • Donner de l'information sur diverses questions
  • Partager de l'information sur les soins de santé et les mesures psychosociales
  • Donner l'occasion aux représentants du gouvernement d'exprimer leur point de vue

Les bulletins communautaires ont connu du succès dans l'incendie de pneus de Hagersville et dans l'incendie du dépotoir municipal de Maple Ridge (C.-B.). Les organismes gouvernementaux provinciaux ont assuré le financement, et les membres de la communauté ont rédigé et publié les bulletins.

4.5 METTRE L'ACCENT SUR LA SENSIBILISATION

La sensibilisation est un aspect essentiel d'une approche axée sur les capacités communautaires, et elle devrait être au coeur de tout Plan de Participation du Public. Elle présente plusieurs avantages :

  • Susciter de l'intérêt envers le projet
  • Aider les gens à mieux communiquer
  • Maintenir la participation de la population à la prise de décision
  • Aider toutes les parties en cause à fixer des buts réalistes pour la gestion du projet
  • Aider les gens à comprendre non seulement les données scientifiques, mais aussi les limites financières, physiques, chimiques et structurales du projet d'assainissement

Des activités de sensibilisation bien planifiées et ciblées peuvent contribuer à prévenir les effets psychosociaux néfastes ou à les réduire au minimum. Mettez au point des activités poursuivant les buts suivants :

  • Valider les sentiments de stress des gens et rappeler que ces sentiments sont normaux
  • Faire savoir aux gens qu'ils ont les connaissances et l'expérience nécessaires pour affronter le stress soulevé par l'événement
  • Rassurer les gens au sujet de leur sécurité et expliquer les mesures prises pour les protéger
  • Étendre les services à tous les groupes d'âge - enfants, adolescents, adultes et personnes âgées - ainsi qu'aux groupes qui ont des besoins spéciaux

Par exemple, demandez à des organismes locaux de service social et de santé de préparer des dépliants, des brochures, des livres à colorier pour les enfants, etc. sur les effets psychosociaux associés à tous les aspects de la contamination - exposition, risque, diagnostic et maladie et leur cortège de problèmes - et sur les moyens de faire face à leurs réactions.

Une autre mesure préventive de sensibilisation consiste à organiser des visites dans la communauté. Des visites personnelles amicales et non menaçantes peuvent aider les gens à faire face aux effets émotionnels et sociaux qu'engendre le nettoyage d'un site contaminé. Le personnel chargé de la sensibilisation devrait, au moment de chaque visite :

  • évaluer officieusement la situation et les besoins de la personne, de la famille ou du groupe spécial auquel il rend visite
  • les informer des services communautaires qui peuvent leur être utiles
  • leur conseiller des moyens d'avoir accès aux services et aux avantages
  • fournir du matériel pédagogique sur certains sujets comme les soins de santé et la gestion du stress

Il arrive que les citoyens ne soient pas intéressés à participer. Il faudra alors peut-être créer un programme de sensibilisation afin d'informer la population des risques pour la santé posés par un site ou des répercussions psychosociales que le travail d'assainissement risque d'avoir sur la communauté. Rappelez-vous que les résidants ne sont pas les seules personnes qui doivent être sensibilisées.

Les organismes de réglementation, les administrations municipales et certains autres intervenants tels les fournisseurs de soins de santé ne doivent pas être négligés non plus.

4.6 ÊTRE PRÉCIS ET SOUPLE

En règle générale, les communautés n'aiment pas les approches officielles et centralisées. Elles veulent des programmes ou des services utiles, simples et accessibles. Les méthodes et les processus réguliers leur apparaissent souvent fastidieux et irritants. L'instauration de procédures accélérées ou l'autorisation de certaines dérogations susceptibles d'aider les gens touchés à alléger la bureaucratie contribueront grandement à réduire les frustrations et à rebâtir la confiance.

Les gens dont la vie a été bouleversée réclament des programmes et des services conçus expressément pour eux. Ils ne veulent pas passer par les services sociaux ou les systèmes de santé mentale ou de santé publique ordinaires. À leurs yeux, la mise sur pied de programmes et de services portant exclusivement sur les répercussions psychosociales d'un site contaminé sur les personnes, les familles et les communautés exposées montre que le gouvernement prend leurs besoins en santé et leurs besoins sociaux au sérieux.

Veillez à ce que votre Plan de Participation du Public soit aussi souple que possible. Soyez prêts à adapter vos services au fil de l'évolution des besoins de la communauté ou de la connaissance que vous en avez. Les résidants se sentent moins angoissés et méfiants s'ils sentent que les gens qui leur viennent en aide répondent vraiment à leurs besoins au lieu de se contenter d'appliquer une formule standard à leur situation.

Enfin, intégrez un processus d'évaluation continue au Plan de Participation du Public afin de pouvoir l'adapter au fil du temps et de l'évolution de la situation. La souplesse et la capacité de réaction assurent une utilisation optimale des ressources et produisent les meilleurs résultats.

5.0 Conclusion

Gardez ce survol des facteurs psychosociaux en tête lorsque vous élaborerez un Plan de Participation du Public complet pour un site contaminé. Rappelez-vous que les divers facteurs peuvent se renforcer mutuellement et que le volet psychologique et social de la vie des gens est tout aussi important que le volet physique.

Toutes les situations et les communautés ont leurs particularités propres.Vous devrez élaborer un plan qui conviendra à la communauté et au site en question. Les recommandations formulées dans le présent document vous donnent un cadre de référence pour vous attaquer à certains facteurs cruciaux à l'aide de la seule approche qui a fait ses preuves, soit celle qui consiste à renforcer la capacité de la communauté d'agir sur les questions qui peuvent avoir un retentissement sur la santé et le bien-être de ses membres.

6.0 Annexe

Liste des facteurs psychosociaux classés selon le type de réaction
Réactions physiques courantes Réactions cognitives courantes Réactions émotives courantes Réactions comportementales courantes
Élévation de la tension artérielle Confusion Anxiété Méfiance
Risque de crise cardiaque Désorientation Peur Retrait
Affaiblissement de la réponse immunitaire (aggravant les maladies préexistantes) Indécision Colère Conflit
Problèmes digestifs Difficulté à se concentrer, à résoudre des problèmes Irritabilité Irritabilité
Fatigue chronique Problèmes de mémoire Ressentiment Changement des modes de communication
Difficulté à manger, à dormir Inquiétude Culpabilité Vigilance excessive à l'égard de son environnement
  Culpabilisation Sentiments d'impuissance, de détresse, de désespoir Perte d'espoir en l'avenir
Obsession du problème de contamination Accablement Augmentation de la consommation d'alcool et de drogue
  Perte du sentiment de sécurité et de maîtrise des événements  
Tristesse
Dépression

7.0 Notes

  1. Stevens Becker, "Psychosocial Assistance after Environnemental Accidents:A Policy Perspective", Environmental Health Perspective 105, Supplement 6 (December 1997).
    Extrait le 23 février 2004 de :
    http://ehp.niehs.nih.gov/docs/1997/Suppl-6/becker.html

    ATSDR Studies Ways to Prevent Chronic Stress in Communities near Hazardous Waste Sites
    http://www.copa.org/library/reports/atsdr/psychol.htm
  2. Agence pour l'énergie nucléaire,Tchernobyl : Évaluation des incidences radiologiques et sanitaires Mise à jour 2002 de Tchernobyl : Dis ans déjà
    Extrait le 23 février 2004 de :
    http://www.nea.fr/html/rp/chernobyl/welcome-fr.html
  3. Adapté de Peter Bennet,"Understanding Responses to Risk: Some Basic Findings", dans Risk Communication and Public Health (Oxford University Press, 1999). Cité par Margherita Fronte dans "Communicating GMO Risk:The Role of the Media", présentation Power Point.
  4. Adapté de William Schulze, Gary McClelland et al., An Evaluation of Public Preferences for Superfund Site Cleanup - Volume 1: Preliminary Assessment (Version PDF - 163 Ko)(1995), pp. 19-24.
    Extrait le 23 février 2004 de :
    http://yosemite.epa.gov/ee/epa/eermfile.nsf/vwAN/
    EE-0255A-01.pdf/$File/EE-0255A-01.pdf
  5. Cité dans Kai Erickson,A New Species of Trouble: Explorations in Disaster,Trauma, and Community (New York.W.W. Norton & Company, 1994), p. 38
  6. Erickson
  7. Ronnie Janoff-Bulman, Shattered Assumptions:Towards a New Psychology of Trauma (New York:The Free Press., 1992).
  8. Sierra Club du Canada, Section de l'Atlantique, Sierra Club Demands Full Disclosure of All the Testing Results Done This Summer in Sydney, N.S. Press release, December 4, 2001.
    Extrait le 4 février 2005 de :
    http://www.sierraclub.ca/atlantic/press20012002.htm#Testing
  9. U.S. Department of Health and Human Services, p. 43.
  10. Agence pour l'énergie nucléaire,Tchernobyl.
  11. Initiative nationale pour les mines orphelines ou abandonnées (INMOA), Lessons Learned on Community Involvement in the Remediation of Orphaned and Abandoned Mines (INMOA, 2003), p. 5.
    Extrait le 5 février 2005 de :
    http://www.abandoned-mines.org/ci_e.htm
  12. INMOA, p. 7.
  13. Erickson
  14. Board on Environmental Studies and Toxicology (BEST), "Community Involvement", dans A Risk Management Strategy for PCB Contaminated Sites (Washington D.C.:The National Academies Press, 2003).
    Extrait le 1er mars 2004 de :
    http://books.nap.edu/books/0309073219/html/68.html#pagetop
  15. INMOA, pp. 16-17.
  16. Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP), Guide for Effective Public Involvement (Calgary,AB: CAAP), p. 89.
    Extrait le 1er février 2005 de :
    http://www.capp.ca/default.asp?V_DOC_ID=763&PubID=73244
  17. Mathew Lasek, "Let's Call Apples,Apples and Oranges, Oranges or Know Your Fruit", Citizen Action to Clean Up Albuquerque's Nuclear Waste Dump.
    Extrait le 28 février 2004 de :
    http://www.radfreenm.org/pages/Articles/apples_oranges.html
  18. ACPP, p. 90.

Détails de la page

Date de modification :