Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – chloramines

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Organisation : Santé Canada

Type : Recommandation

Publiée : 2020-02-07

Cat. : H144-13/15-2019F-PDF

ISBN : 978-0-660-32162-2

Pub. : 190279

Sujets connexes

Table des matières

Partie I. Vue d'ensemble et application

1.0 Recommandation

Il n'est pas jugé nécessaire d'établir une concentration maximale acceptable pour les chloramines dans l'eau potable, compte tenu de la faible toxicité de la monochloramine aux concentrations présentes dans l'eau potable. Les mesures prises pour limiter la concentration des chloramines ou de leurs sous-produits dans l'eau potable ne devraient pas compromettre l'efficacité de la désinfection.

2.0 Résumé

Le terme « chloramines » désigne autant les chloramines inorganiques qu'organiques. Le présent document porte sur les chloramines inorganiques, lesquelles comprennent la monochloramine, la dichloramine et la trichloramine. Sauf indication contraire, le terme « chloramines » désignera les chloramines inorganiques dans l'ensemble du document.

Les chloramines sont présentes dans l'eau potable principalement à la suite d'un traitement, soit intentionnellement comme désinfectant dans le réseau de distribution, soit involontairement comme sous-produit de la chloration de l'eau potable en présence d'ammoniac naturel. Comme la monochloramine est plus stable et assure une désinfection plus durable que le chlore, elle est couramment utilisée dans le réseau de distribution comme désinfectant secondaire. Le chlore est plus efficace comme désinfectant primaire et est utilisé à l'usine de traitement. Les chloramines ont également été utilisées dans le réseau de distribution pour aider à diminuer la formation de sous-produits de désinfection courants comme les trihalométhanes et les acides haloacétiques. Toutefois, les chloramines réagissent également avec la matière organique naturelle pour former d'autres sous-produits de désinfection.

Toutes les sources publiques d'eau potable devraient être désinfectées, à moins d'en être expressément exemptées par l'autorité responsable. La désinfection est une composante essentielle du traitement public de l'eau potable; les risques pour la santé associés aux sous-produits de désinfection sont beaucoup moins élevés que ceux associés à la consommation d'une eau qui n'a pas été désinfectée adéquatement. Lorsque les chloramines sont utilisées dans un approvisionnement en eau potable au Canada, la concentration résiduelle est généralement inférieure à 4 mg/l dans le réseau de distribution.

Le présent document technique met l'accent sur les effets sur la santé liés à l'exposition aux chloramines dans les approvisionnements en eau potable, en tenant également compte des préoccupations relatives au goût et à l'odeur. Il n'examine pas les avantages ni les procédés de chloramination et n'évalue pas non plus les risques pour la santé liés à l'exposition aux sous-produits résultant du procédé de chloration. Santé Canada, en collaboration avec le Comité fédéral-provincial-territorial sur l'eau potable, ne juge pas nécessaire d'établir une recommandation pour les chloramines dans l'eau potable compte tenu des considérations relatives à la santé. Elle ne juge pas nécessaire non plus d'établir un objectif d'ordre esthétique, puisque les concentrations communément trouvées dans l'eau potable se situent dans les limites acceptables pour le goût et l'odeur, et que la protection des consommateurs contre les risques microbiens pour la santé demeure primordiale.

2.1 Effets sur la santé

Le Centre international de recherche sur le cancer et l'United States Environmental Protection Agency (U.S. EPA) ont classé la monochloramine comme « non classable quant à sa cancérogénicité pour les humains » en raison de preuves insuffisantes chez les animaux et les humains. On ne dispose pas de renseignements suffisants sur la dichloramine et la trichloramine pour établir un lien quelconque avec des effets indésirables sur la santé chez les animaux ou les humains. Ces formes sont également moins fréquemment détectées dans l'eau potable. Des études ont révélé des effets minimes chez les humains et les animaux à la suite de l'ingestion de monochloramine dans de l'eau potable, l'effet le plus significatif étant une diminution du gain de poids corporel chez les animaux. Toutefois, cet effet provient de la diminution de la consommation d'eau causée par l'aversion pour le goût.

2.2 Exposition

L'exposition humaine aux chloramines résulte principalement de leur présence dans l'eau potable traitée; la monochloramine est habituellement la chloramine prédominante. On ne s'attend pas à ce que l'apport en monochloramine et en dichloramine présentes dans l'eau potable se fasse par contact cutané ou par inhalation. On peut s'attendre à ce que l'apport de trichloramine de l'eau potable se fasse par inhalation; toutefois, elle est relativement instable dans l'eau et ne se forme que dans des conditions particulières (rapports chlore/ammoniac très élevés ou pH faible), qui sont peu probables dans l'eau potable traitée. Par conséquent, l'exposition aux chloramines par inhalation et par contact cutané pendant la douche ou le bain devrait être négligeable.

2.3 Analyse et traitement

Bien qu'il n'y ait pas de méthodes normalisées pour mesurer directement les chloramines, il existe de nombreuses méthodes de ce type pour mesurer le chlore total et libre. Les résultats de ces méthodes peuvent être utilisés pour calculer les concentrations de chlore combiné (ou de chloramines). Il existe également des analyseurs en ligne et portables qui peuvent mesurer directement la monochloramine et l'ammoniac total et libre avec peu d'interférences.

Dans le cas des usines municipales, une modification au désinfectant du réseau de distribution (comme le remplacement du résidu de désinfectant par une chloramine) peut avoir une incidence sur la qualité de l'eau. Au moment d'envisager le passage aux chloramines, les services publics devraient évaluer les répercussions de celles-ci sur la qualité de l'eau et les matériaux de leur système, y compris le risque de corrosion, de nitrification et de formation de sous-produits de désinfection.

Dans les stations d'épuration utilisant du chlore libre ou des chloramines pour la désinfection, les chloramines peuvent se retrouver dans l'eau potable de l'usine de traitement, dans le réseau de distribution et dans la plomberie en place. Pour les consommateurs qui trouvent le goût des chloramines inacceptable, il existe des dispositifs résidentiels de traitement de l'eau potable qui peuvent réduire les concentrations de chloramines dans l'eau potable. Toutefois, il n'est pas recommandé d'enlever le résidu de désinfectant.

2.4 Considérations internationales

Les recommandations, normes et directives sur la qualité de l'eau potable d'autres organismes nationaux et internationaux peuvent varier en raison des connaissances disponibles au moment de l'évaluation, ainsi que de politiques et démarches qui diffèrent, y compris le choix de l'étude clé et l'utilisation de différents taux de consommation, poids corporels et facteurs d'attribution.

Plusieurs organismes ont établi des recommandations ou des règlements sur les chloramines dans l'eau potable, tous fondés sur la même étude qui n'a révélé aucun effet sur la santé à la dose la plus élevée administrée.

L'U.S. EPA a établi une concentration résiduelle maximale de désinfectant de 4 mg/l pour les chloramines, reconnaissant les bienfaits d'ajouter un désinfectant à l'eau sur une base continue et de maintenir une concentration résiduelle pour lutter contre les pathogènes dans le réseau de distribution. L'Organisation mondiale de la Santé et le National Health and Medical Research Council de l'Australie ont tous deux établi une recommandation pour l'eau potable de 3 mg/l pour la monochloramine. L'Union européenne n'a pas établi de valeur de recommandation pour la monochloramine ou les chloramines.

3.0 Application de la recommandation

Remarque : Il est conseillé de demander des indications précises concernant la mise en œuvre des recommandations pour l'eau potable auprès des autorités compétentes du territoire visé..

Les chloramines se forment lorsque du chlore et de l'ammoniac se combinent dans l'eau. Elles comprennent trois espèces chimiques : la monochloramine (NH2Cl), la dichloramine (NHCl2) et la trichloramine (NCl3). Les quantités relatives formées dépendent de nombreux facteurs, dont le pH, le rapport chlore/ammoniac (Cl2:NH3-N), la température, le temps de contact et le mélange. Lorsque des chloramines sont utilisées comme désinfectant dans les réseaux d'eau potable, l'espèce souhaitée est la monochloramine. Lorsque les procédés de traitement sont optimisés pour stabiliser les monochloramines (rapport pondéral Cl2:NH3-N de 4,5:1 à 5:1, pH > 8,0), presque toutes les chloramines sont présentes sous forme de monochloramine. Comme les chloramines peuvent également se former lorsque de l'ammoniac est présent dans la source d'approvisionnement en eau, les services publics devraient caractériser leur source d'approvisionnement en eau pour évaluer la présence et la variabilité des concentrations d'ammoniac. Lorsqu'elles envisagent de passer du chlore aux chloramines, les entreprises de services publics devraient évaluer les répercussions sur la qualité de l'eau et les matériaux de leur système, y compris le risque de corrosion, de nitrification et de formation de sous-produits de désinfection.

L'entretien d'une concentration résiduelle de désinfectant adéquat, par l'établissement de plans de surveillance et d'atténuation, réduira au minimum une nouvelle prolifération bactérienne dans le réseau de distribution. Au moyen de ces plans, une baisse de la concentration de monochloramine, évocatrice d'une variation inattendue de la qualité de l'eau, peut être détectée plus rapidement. Les exigences particulières relatives aux concentrations de chloramines résiduelles sont établies par l'organisme de réglementation et peuvent varier d'une province ou d'un territoire à l'autre. La monochloramine, utilisée comme désinfectant secondaire, devrait être appliquée de façon à maintenir une concentration résiduelle stable dans tout le réseau de distribution. La quantité appropriée de désinfectant nécessaire pour maintenir la qualité de l'eau dans le réseau de distribution dépendra (entre autres facteurs), des caractéristiques du réseau de distribution, des espèces de bactéries, de la présence de biofilms, de la température, du pH, de la quantité de matières biodégradables et des nutriments (C:N:P) présents dans l'eau traitée. Les services de distribution d'eau devraient savoir qu'un objectif minimal de chloramine résiduelle « détectable » ne sera pas suffisant pour limiter efficacement la prolifération bactérienne dans le réseau de distribution. La surveillance régulière de la qualité de l'eau d'un réseau de distribution (p. ex., concentration résiduelle de désinfectant, indicateurs microbiens, turbidité, pH) et la mise en place de programmes d'exploitation et d'entretien (p. ex, le nettoyage des conduites d'eau, la vérification des jonctions fautives, les remplacements et les réparations, la réduction minimale de l'âge de l'eau et la gestion du stockage) sont importantes pour s'assurer que l'eau potable est transportée jusqu'au consommateur avec une perte de qualité minimale.

Selon le réseau d'eau, des concentrations de chloramines résiduelles supérieures à 1,0 mg/l peuvent se révéler nécessaires pour maintenir des populations microbiologiques générales plus faibles, pour diminuer la présence de coliformes et pour contrôler le développement d'un biofilm. Certains services publics peuvent exiger des concentrations de monochloramine beaucoup plus élevées pour améliorer la qualité de l'eau de leur réseau de distribution particulier. La nitrification dans le réseau de distribution représente également un problème potentiel pour les réseaux municipaux qui utilisent des chloramines. Les préoccupations des services publics à l'égard de la nitrification sont l'épuisement du résidu de désinfectant, l'augmentation de la prolifération bactérienne et le développement de biofilms dans le réseau de distribution, lesquels pourraient entraîner une diminution du pH, particulièrement dans les eaux à faible alcalinité, ce qui peut entraîner des problèmes de corrosion. Dans le cadre d'un programme de prévention et de lutte contre la nitrification, les meilleures pratiques opérationnelles suggérées pour une concentration résiduelle de chloramine sont de 2 mg/l à la sortie de l'usine de traitement et de préférence de plus de 1,5 mg/l à tous les points de surveillance du réseau de distribution. Des renseignements sur les stratégies de contrôle de la nitrification peuvent également être trouvés dans le document technique pour l'ammoniac.

La plupart des approvisionnements en eau potable au Canada maintiennent une concentration résiduelle de chloramines inférieure à 4 mg/l dans le réseau de distribution. À ces concentrations, les goûts et les odeurs liés aux chloramines sont généralement acceptables pour la plupart des consommateurs. Les sensibilités individuelles au sein de la population sont très variables, mais les plaintes relatives au goût et à l'odeur se produisent généralement à des concentrations de 3 à 3,7 mg/l de monochloramine. Bien que les préoccupations relatives au goût et à l'odeur ne rendent pas l'eau impropre à la consommation, elles devraient être prises en compte lors du choix des stratégies opérationnelles et de gestion des systèmes de traitement et de distribution de l'eau. La principale préoccupation liée au recours à la monochloramine pour la désinfection secondaire est de maintenir l'innocuité microbiologique de l'approvisionnement en eau potable pendant la distribution pour protéger la santé publique.

Les questions relatives au goût et à l'odeur peuvent indiquer que des changements opérationnels peuvent être nécessaires pour régler des problèmes de causalité comme l'âge de l'eau, la perte de stabilité de la monochloramine, la formation de dichloramine. Les services publics devraient établir des objectifs opérationnels pour une concentration résiduelle de désinfectant adaptée à leur système. La concentration devrait permettre d'atteindre leurs objectifs en matière de qualité de l'eau comme la protection microbienne, la formation minimale de sous-produits de désinfection, la prévention de la nitrification, la stabilité biologique et le contrôle de la corrosion.

Les fournisseurs de services de dialyse à tous les paliers (p. ex. grandes installations/grands hôpitaux, petites installations communautaires, unités mobiles, fournisseurs de services de dialyse autonomes/à domicile), ainsi que les propriétaires d'aquariums, devraient également être avisés que l'eau est chloraminée.

3.1 Surveillance

Les services publics qui utilisent des chloramines pour la désinfection secondaire devraient, à tout le moins, surveiller quotidiennement le chlore résiduel total et libre dans l'eau sortant de l'usine de traitement et dans le réseau de distribution. L'échantillonnage de résidu de désinfectant devrait être effectué au point d'entrée (point de référence) et dans l'ensemble du réseau de distribution. Cette façon de procéder permet de s'assurer que la concentration cible de chloramines est atteinte en tout temps et de comparer les concentrations résiduelles mesurées dans l'ensemble du réseau de distribution. Les lieux de prélèvement des échantillons devraient être choisis de manière à représenter toutes les zones du réseau de distribution. Les principaux points d'échantillonnage comprennent également le point d'entrée du réseau de distribution (point de référence), les installations d'entreposage, en amont et en aval des stations de relèvement de la rechloramination, dans les zones de débit faible ou élevé, dans les zones où la pression du réseau varie, dans les zones mixtes (mélange d'eau chlorée et traitée aux chloramines) et dans les zones où les conduites sont de taille et de type de matériaux variés. Les services publics devraient examiner attentivement les répercussions sur le réseau de distribution avant de mélanger de l'eau traitée aux chloramines et des eaux chlorées dans un contexte particulier pour s'assurer que l'eau sera désinfectée de façon acceptable. Certains services publics devraient également envisager d'augmenter la fréquence de l'échantillonnage pendant les mois plus chauds (les mois d'août à octobre sont habituellement des mois de nitrification). Une stratégie utile consiste à cibler un nombre accru d'emplacements éloignés dans l'ensemble du réseau de distribution d'eau potable, y compris les culs-de-sac et les zones à faible débit, pour obtenir une évaluation plus représentative des concentrations résiduelles obtenues et découvrir toute zone problématique. Les robinets d'échantillonnage spécialisés constituent une approche idéale pour l'échantillonnage des résidus. Les bornes d'incendie peuvent également être utilisées pour l'échantillonnage des résidus, en suivant les meilleures pratiques de gestion et en utilisant l'équipement approprié pour obtenir un échantillon approprié. Des échantillons supplémentaires peuvent être ajoutés à des fins d'étude. Il est important que le personnel soit bien formé à l'utilisation des méthodes d'essai sur le terrain pour le chlore libre et total pour l'obtention de mesures exactes.

Pour les services de distribution d'eau qui font de la chloramination, il est important de surveiller les épisodes de nitrification. Il est recommandé d'élaborer des plans de surveillance propres à chaque réseau qui comprennent des mesures à prendre en fonction de diverses conditions de qualité de l'eau liées à la nitrification. Ce plan devrait inclure la surveillance de l'eau traitée et des lieux dans l'ensemble du réseau de distribution, y compris les installations d'entreposage et les zones de faible débit et d'âge d'eau élevé. Les paramètres à surveiller devraient être la monochloramine, la chloramine totale, le chlore libre et total, l'ammoniac libre et total, le nitrite, le nitrate, l'adénosine triphosphate (ATP), la température, le pH et l'alcalinité. Les résultats devraient être représentés graphiquement pour évaluer les tendances et établir des seuils d'alerte et d'intervention propres au réseau. Le pourcentage de monochloramine par rapport à la chloramine totale devrait également être calculé et représenté graphiquement pour déterminer si des chloramines organiques sont présentes. Les chloramines organiques sont indésirables parce qu'elles représentent un biocide inefficace (voir les sections 4.4.3 et 6.0). En évaluant les tendances, les services d'eau peuvent rapidement observer toute augmentation ou diminution des concentrations et prendre les mesures appropriées, au besoin (p. ex. surveillance accrue, reformation des chloramines, augmentation des concentrations résiduelles). La fréquence de la surveillance devrait être établie en collaboration avec l'autorité responsable de l'eau potable. Un exemple de plan de surveillance peut inclure des tests deux fois par mois entre décembre et mai et une fois par semaine jusqu'à la saison de nitrification et pendant celle-ci (juin à octobre). Des changements dans les tendances des paramètres de nitrification devraient se traduire par une surveillance plus fréquente. Les services publics qui prennent des mesures préventives complètes et bénéficient de données de base indiquant qu'il ne se produit pas de nitrification dans le système peuvent effectuer des contrôles moins fréquents. La surveillance des populations microbiologiques générales dans les réseaux de distribution d'eau potable est également utile pour évaluer la qualité de l'eau des réseaux. La fréquence de la surveillance devrait être déterminée en fonction d'une évaluation propre au réseau et devrait idéalement être suffisante pour caractériser les changements temporels à court et à long terme (p. ex. heures, jours, semaines, mois).

De plus amples renseignements sur la surveillance de nitrites, de nitrates, d'ammoniac et des populations microbiologiques se trouvent dans les documents techniques et d'orientation de Santé Canada pour chacun de ces paramètres, sur le site Web de Santé Canada.

Partie II. Facteurs scientifiques et techniques

4.0 Propriétés, utilisation et sources dans l'environnement

Les chloramines sont des composés oxydants qui contiennent un ou plusieurs atomes de chlore fixés à un atome d'azote. Dans la littérature, le terme « chloramine » désigne à la fois les chloramines inorganiques et organiques. Les effets des chloramines organiques (formées lorsque de l'azote organique dissous réagit avec du chlore libre ou de la chloramine inorganique (Lee et Westerhoff, 2009)) sur la santé dépassent la portée du présent document et ne seront pas examinés. Dans l'ensemble du document, le terme « chloramines » ne désignera que les chloramines inorganiques, sauf indication contraire.

Les chloramines inorganiques comportent trois composés chimiquement apparentés : la monochloramine, la dichloramine et la trichloramine. Seules les monochloramines et dichloramines sont très solubles dans l'eau. La volatilité varie selon le composé, la trichloramine étant la plus volatile. Le tableau qui suit présente leurs propriétés physiques :

Tableau 1. Propriétés physiques et chimiques des composés de chloramines inorganiques
Paramètre Composés de chloramines inorganiques
Monochloramine Dichloramine Trichloramine
Synonyme ChloramidedNote de bas de tableau 1 - d ChlorimidedNote de bas de tableau 1 - d Trichlorure d'azotebNote de bas de tableau 1 - b
N° CAS 10599-90-3 3400-09-7 10025-85-1
Formule moléculaire NH2Cl NHCl2 NCl3
Masse moléculaireNote de bas de tableau 1 - a 51,48 85,92 120,37
Solubilité dans l'eauNote de bas de tableau 1 - a Soluble Soluble Limité à hydrophobe
Point d'ébullition 486 °C (prédit)Note de bas de tableau 1 - e 494 °C (prédit)Note de bas de tableau 1 - e s/o
pKTable 1 footnote a 14 ± 2 7 ± 3 s/o
Constante de la loi de Henry - Kae (estimée, à 25 °C)Note de bas de tableau 1 - c 0,00271 0,00703 1
Pression de vapeur (à 25 °C) 1,55 × 10–7 PaNote de bas de tableau 1 - c 8,84 × 10–8 PaNote de bas de tableau 1 - c 19,99 kPaNote de bas de tableau 1 - b

s/o = sans objet

Les chloramines sont utilisées depuis près de 90 ans comme désinfectants pour traiter l'eau potable. Bien que les chloramines soient moins efficaces que le chlore libre pour tuer ou inactiver les agents pathogènes, elles ne génèrent aucun trihalométhane (THM) ou acide haloacétique (AHA). Elles sont également plus stables que le chlore libre, ce qui prolonge la désinfection dans le réseau de distribution d'eau potable. En raison de ces propriétés, les chloramines sont principalement utilisées comme désinfectants secondaires pour maintenir une concentration résiduelle de désinfectant dans le réseau de distribution et ne sont généralement pas utilisées comme désinfectants principaux (Shorney-Darby et Harms, 2010).

Des trois chloramines, la monochloramine est l'espèce préférée pour la désinfection de l'eau potable en raison de ses propriétés biocides et de sa stabilité relative, et parce qu'elle cause rarement des problèmes de goût et d'odeur comparativement à la dichloramine et à la trichloramine (Kirmeyer et coll. 2004).

Les chloramines n'existent pas à l'état naturel (CIRC, 2004). Elles peuvent être intentionnellement produites ou générées comme sous-produits de la chloration de l'eau potable, y compris dans les réseaux d'eaux souterraines soumises à une chloration en présence d'ammoniac naturel, ainsi que dans les effluents d'eaux usées chlorées (OMS, 2004; Hach, 2017).

Pour la désinfection, les chloramines sont formées par un procédé appelé chloramination (U.S. EPA, 1999). La chloramination consiste à ajouter de l'ammoniac (NH3) à du chlore libre aqueux (acide hypochloreux, HOCl). Ce mélange peut entraîner la formation de composés inorganiques, comme la monochloramine, la dichloramine et la trichloramine (NHMRC, 2011).

NH3 + HOCl        ->      NH2Cl (monochloramine) + H2O
NH2Cl + HOCl      ->      NHCl2 (dichloramine) + H2O
NHCl2 + HOCl      ->      NCl3 (trichloramine) + H2O

La spéciation des chloramines dépend principalement du rapport chlore/ammoniac (Cl2:NH3-N) et du pH, mais également de la température, du temps de contact et du mélange (Randtke, 2010). Les rapports Cl2:NH3-N de ≤ 5:1 en poids (équivalent à des rapports ≤ 1:1 en mole) sont optimaux pour la formation de monochloramine. Le rapport Cl2:NH3-N en poids est défini comme la quantité de chlore ajoutée proportionnellement à la quantité d'ammoniac ajoutée (en milligrammes); tous les rapports Cl2:NH3-N présentés dans le document suivant sont exprimés en poids. Dans des conditions idéales, des rapports entre 5:1 et 7,6:1 favorisent la production de dichloramine, alors que la trichloramine est produite à des rapports plus élevés. La formation de monochloramine se produit dans des conditions neutres à alcalines (pH de 6,5 à 9,0) (la formation de monochloramine se produit le plus rapidement à un pH de 8,3), tandis que les conditions acides sont optimales pour la formation de dichloramine (pH de 4,0 à 6,0) et de trichloramine (pH < 4,4) (Kirmeyer et coll., 2004).

Dans des conditions types de traitement de l'eau potable (pH de 6,5 à 8,5) et avec un rapport Cl2:NH3-N inférieur à 5:1 (un rapport entre 4.5:1 et 5:1 est généralement considéré comme optimal pour la chloramination), la monochloramine et la dichloramine sont formées dans une proportion beaucoup plus élevée de monochloramine (AWWA, 2006). Par exemple, lorsque l'eau est chlorée avec un rapport Cl2:NH3-N de 5:1 à 25 °C et à un pH de 7,0, les proportions de monochloramine et de dichloramine sont de 88 % et de 12 %, respectivement (U.S. EPA, 1994a). Pour sa part, la trichloramine peut se former dans l'eau potable à des pH de 7,0 et de 8,0, mais seulement si le rapport Cl2:NH3-N est augmenté à 15:1 (Kirmeyer et coll. 2004). Ainsi, dans les conditions habituelles de traitement de l'eau, la monochloramine représente la principale chloramine présente dans l'eau potable. Il peut y avoir des concentrations élevées de dichloramine et de trichloramine dans l'eau potable, attribuables à des variations de la qualité de l'eau brute (p. ex., variations du pH) ou à des variations accidentelles dans le rapport Cl2:NH3-N (Nakai et coll., 2000; Saint-Valentin, 2007).

Les chloramines (monochloramine, dichloramine et trichloramine) sont présentes dans des milieux autres que l'eau potable. Dans les piscines, par exemple, ce sont des sous-produits de désinfection (SPD) formés accidentellement par la décomposition, par chloration, de précurseurs organiques de l'azote, comme l'urée, la créatinine et des acides aminés, provenant d'excrétions humaines (p. ex., sueur, fèces, squames cutanées, urine) (Li et Blatchley, 2007;Blatchley et Cheng, 2010;Lian et coll., 2014).

Les chloramines se forment également lorsque des effluents d'eaux usées ou des eaux de refroidissement contenant de l'ammoniac libre sont traités au chlore (U.S. EPA, 1994a). Dans l'industrie alimentaire, elles peuvent résulter de la réaction entre l'hypochlorite et des composés azotés provenant des protéines libérées par des légumes ou des animaux (Massin et coll., 2007). Dans une maison, des vapeurs de chloramines (une combinaison de monochloramine et de dichloramine formant un gaz nocif) peuvent être produites lorsque de l'eau de Javel et de l'ammoniac sont accidentellement mélangés à des fins de nettoyage (Gapany-Gapanavicius et coll., 1982).

4.1 Devenir dans l'environnement

Cette section présente le devenir des chloramines dans l'environnement en phase aqueuse. La décomposition de la monochloramine dans l'eau est influencée par de nombreux facteurs, le taux augmentant à la suite d'une augmentation de la température et du carbone inorganique, d'une augmentation du rapport Cl2:NH3-N entraînant la formation de dichloramine et de trichloramine à partir de la monochloramine, de la concentration initiale de chloramine et de la diminution du pH (Wilczak et coll., 2003b). À l'aide d'expériences de décomposition, Vikesland et coll. (2001) ont signalé qu'à un pH de 7,5, la demi-vie de la monochloramine est supérieure à 300 h à 4 °C, alors qu'elle diminue à 75 h à 35 °C. L'autodécomposition de la monochloramine aqueuse en dichloramine se fera par l'une des deux voies suivantes : l'hydrolyse et la dismutation catalysée par un acide, qui sont décrites dans Wilczak et coll. (2003b).

Lorsque le pH est neutre, la trichloramine dans l'eau se décompose lentement par autocatalyse en ammoniac et en HOCl (U.S. EPA, 1994a). La trichloramine possède une solubilité limitée. Comme elle est extrêmement volatile, elle se volatilise dans l'air (U.S. EPA, 1994b; Environnement Canada et Santé Canada, 2001). Par contre, selon les propriétés physico-chimiques énumérées au tableau 1, la monochloramine et la dichloramine sont très solubles dans l'eau et peu volatiles.

4.1.1 Effets des chloramines sur la vie aquatique

Les chloramines pénètrent dans le milieu aquatique canadien principalement par le rejet d'eaux usées municipales (73 %) et d'eau potable (14 %) (p. ex. rinçage et bris des conduites d'eau, déversements dans les réservoirs de stockage); d'autres sources secondaires sont possibles (Pasternak et coll., 2003). Le rejet d'eau traitée aux chloramines (chlore total de 2,53 mg/l et de 2,75 mg/l) à la suite de la rupture d'une conduite d'eau potable aurait causé deux importantes mortalités de poissons dans le bassin du bas Fraser (Nikl et Nikl, 1992). Pour atténuer les effets du chlore ou des chloramines, les propriétaires d'aquariums devraient s'assurer que l'aération ou la désactivation du chlore ou des chloramines est adéquate (Roberts et Palmeiro, 2008).

4.2 Terminologie

La présente section définit certains termes pertinents utilisés dans le présent document, adaptés de l'American Water Works Association (AWWA, 1999; Symons et coll., 2000) :

4.3 Chimie en milieu aqueux

Les objectifs de la chloramination sont de maximiser la formation de monochloramine, de réduire au minimum l'ammoniac libre et de prévenir la formation excessive de dichloramine et la chloration au point critique. La formation de chloramines est régie par les réactions de l'ammoniac (oxydé) et du chlore (réduit); sa spéciation est principalement déterminée par le pH et le rapport pondéral de Cl2:NH3-N. La vitesse de réaction de la formation de monochloramine dépend du pH, de la température et de l'humidité,et du rapport pondéral de Cl2:NH3-N. Idéalement, un rapport pondéral de 4,5:1 à 5:1 aidera à réduire au minimum l'ammoniac libre et à diminuer le risque de nitrification (AWWA, 2006).

La courbe de chloration au point critique peut être utilisée pour illustrer le rapport pondéral idéal où la production de monochloramine peut être maximisée. Dans le cas d'un service public qui souhaite produire de la monochloramine, le rapport des points critiques devrait être déterminé expérimentalement pour chaque source d'approvisionnement en eau (AWWA, 2006). La figure 1 montre une courbe de point critique idéalisée qui se produit à un pH entre 6,5 et 8,5 (Spon, 2008). Au début, la monochloramine se forme et, une fois que le rapport pondéral Cl2:NH3-N dépasse 5:1, la formation de monochloramine diminue, car il n'y a pas d'ammoniac libre disponible pour réagir avec le chlore libre ajouté. La réaction du chlore libre avec la monochloramine entraîne la formation de dichloramine. Lorsque le rapport pondéral Cl2:NH3-N est suffisamment élevé, la chloration au point critique se produit. La courbe du point critique est caractérisée par la forme en « dos d'âne » (figure 1). La dichloramine subit une série de réactions de décomposition et d'oxydation pour former des produits contenant de l'azote, notamment de l'azote, du nitrate, de l'oxyde nitreux gazeux et de l'oxyde nitrique (AWWA, 2006). La trichloramine, ou trichlorure d'azote, est un intermédiaire dans la décomposition complète des chloramines. Sa formation dépend du pH et du rapport pondéral Cl2:NH3-N et peut apparaître après le point critique (Kirmeyer et coll., 2004; Randtke, 2010; AWWA, 2013).

Après le point critique, le chlore libre est le chlore résiduel prédominant, et non pas la monochloramine. Cependant, la vitesse de la chloration au point critique est déterminée par la formation de monochloramine et les taux de formation et de décomposition de dichloramine et de trichloramine, réactions qui dépendent fortement du pH. Le rapport pondéral théorique Cl2:NH3-N pour la chloration au point critique est de 7,6:1. Toutefois, le rapport Cl2:NH3-N réel varie de 8:1 à 10:1, selon le pH, la température et la présence d'agents réducteurs, comme le fer, le manganèse, des sulfures et des composés organiques. Les réducteurs créent une demande de chlore, c.-à-d. qu'ils font concurrence au chlore libre ajouté, ce qui limite potentiellement le chlore disponible pour réagir avec l'ammoniac (Kirmeyer et coll., 2004; AWWA, 2006; Muylwyk, 2009). Il est donc important que chaque service public génère expérimentalement une courbe de points critiques propre au site. La courbe du point critique est calculée en analysant différentes formes de chlore dans l'eau à différentes doses de chlore (AWWA, 2006).

Des systèmes automatisés peuvent être utilisés pour surveiller et maintenir le rapport pondéral. Par exemple, la municipalité régionale de York (2019) en Ontario utilise un système automatisé qui mesure le chlore libre et effectue ensuite des calculs pour déterminer la dose d'ammoniac requise en fonction de nombreuses variables. L'objectif est de maximiser la proportion de monochloramine par rapport à la chloramine totale.

Figure 1 : Courbe idéale du point critique de chloration (modélisée d'après Griffin et Chamberlin, 1941; Spon, 2008; et Randtke, 2010). Au début, la monochloramine se forme jusqu'à ce que le rapport pondéral Cl2:NH3-N dépasse 5:1. La formation diminue par la suite. C'est alors que la dichloramine se forme. Une fois que le rapport pondéral Cl2:NH3-N est suffisamment élevé, la chloration au point critique se produit et la courbe du point critique est caractérisée par la forme « en dos d'âne ».

Figure 1 : Courbe idéale du point critique de chloration (modélisée d'après Griffin et Chamberlin, 1941; Spon, 2008; et Randtke, 2010). Au début, la monochloramine se forme jusqu'à ce que le rapport pondéral Cl<sub>2</sub>:NH<sub>3</sub>-N dépasse 5:1. La formation diminue par la suite. C'est alors que la dichloramine se forme. Une fois que le rapport pondéral Cl<sub>2</sub>:NH<sub>3</sub>-N est suffisamment élevé, la chloration au point critique se produit et la courbe du point critique est caractérisée par la forme « en dos d'âne ». Équivalent textuel ci-dessous.
Figure 1 - Équivalent textuel

Un graphique qui montre la courbe de chloration idéalisée au point critique pour obtenir la formation maximale de monochloramine tout en minimisant l'ammoniac libre. L'axe vertical indique la concentration sans unités et l'axe horizontal indique une échelle de ratio pondéraux chlore / ammoniac (Cl2: NH3-N) allant de 1 à 9. Le graphique montre que pour un ratio pondéral compris entre 4,5: 1 et 5: 1 (la zone idéale), la formation de monochloramine et le chlore total sont maximales alors que l'ammoniac libre atteint une concentration de zéro. À mesure que le ratio pondéral augmente, la formation de dichloramine commence à augmenter après un ratio d'environ 5,2: 1, atteint un maximum autour de 5,8: 1 et chute à zéro autour de 7,2: 1, où la formation de monochoramine atteint également zéro. Dans un ratio d'environ 7,7: 1, la chloration au point critique est décrite, la courbe de chlore total atteignant sa concentration minimale. Au-delà de la chloration au point critique et au-delà d'un rapport de 9: 1, la formation de chlore total et de trichloramine augmente d'une façon constante.

4.4 Application au traitement de l'eau potable

Les chloramines sont utilisées dans le traitement de l'eau, généralement comme désinfectant secondaire pour le réseau de distribution; elles peuvent aussi se former involontairement comme sous-produits de la chloration de l'eau potable en présence d'ammoniac naturel. Les chloramines peuvent être utilisées pour aider à diminuer la formation de sous-produits de désinfection courants comme des trihalométhanes et des acides haloacétiques dans le réseau de distribution; cependant, elles peuvent aussi réagir avec la matière organique naturelle pour former d'autres sous-produits de désinfection. Les chloramines peuvent donner un goût et une odeur à l'eau traitée, mais dans une moindre mesure que le chlore libre.

4.4.1 Chloramines dans le traitement de l'eau

Les mécanismes par lesquels la monochloramine inactive les organismes microbiologiques ne sont pas entièrement compris (Jacangelo et coll., 1991; Coburn et coll., 2016). Il a été suggéré que le chlore libre et les chloramines réagissent avec différents groupes fonctionnels de la membrane cellulaire (LeChevallier et Au, 2004). Dans le cas de la monochloramine, le mode d'action proposé est l'inhibition de processus où des protéines jouent un rôle comme le transport bactérien des substrats, la respiration et la déshydrogénation du substrat (Jacangelo et coll., 1991; Coburn et coll., 2016). Des expériences avec des bactéries ont indiqué que la monochloramine était la plus réactive avec les acides aminés contenant du soufre (LeChevallier et Au, 2004; Rose et coll., 2007). La monochloramine n'a pas gravement endommagé la membrane cellulaire ni réagi fortement avec les acides nucléiques. C'est un réactif plus sélectif que le chlore libre et semble agir de façon plus subtile aux concentrations trouvées dans l'eau potable (Jacangelo et coll., 1991). L'inactivation par la monochloramine semble nécessiter des réactions à de multiples sites sensibles (Jacangelo et coll., 1991).

4.4.2 Désinfection primaire

La désinfection primaire à une usine de traitement d'eau potable est l'application d'un désinfectant ayant pour objectif principal d'inactivater microbienne nécessaire. Il est important de prévoir un temps de contact suffisant pour s'assurer que la chloration au point critique a eu lieu et que la désinfection primaire est terminée.

La monochloramine est beaucoup moins réactive que le chlore libre, possède un pouvoir désinfectant inférieur et n'est généralement pas utilisée comme désinfectant primaire parce qu'elle nécessite des valeursNote de bas de page 1 CT très élevées pour obtenir le même degré d'inactivation que le chlore libre (Jacangelo et coll., 1991, 2002; Taylor et coll., 2000; Gagnon et coll., 2004; LeChevallier et Au., 2004; Rose et coll., 2007; Cromeans et coll., 2010).

4.4.3 Désinfection secondaire

L'eau traitée peut subir une désinfection secondaire à la sortie de l'installation de traitement ou aux points de relèvement de la chloramination dans l'ensemble du réseau de distribution, pour introduire et maintenir une concentration résiduelle de désinfectant dans le réseau de distribution d'eau potable.

La fonction principale de la concentration résiduelle est de conférer une protection contre une nouvelle profilération microbienne (LeChevallier et Au, 2004). Le désinfectant en concentration résiduelle peut également servir de sentinelle en cas de variation de la qualité de l'eau. Une baisse de la concentration résiduelle peut indiquer un mauvais fonctionnement du procédé de traitement, un traitement inadéquat, une rupture dans l'intégrité du réseau de distribution, le développement d'un biofilm ou l'âge de l'eau (LeChevallier, 1998; Haas, 1999; AWWA, 2017).

La monochloramine réagit plus lentement que le chlore libre et, dans l'eau potable traitée, peut fournir une concentration résiduelle de désinfectant plus stable et plus durable dans le réseau de distribution (Jacangelo et coll., 1991; U.S. EPA, 1999; LeChevallier et Au, 2004; Cromeans et coll., 2010). Toutefois, les concentrations résiduelles combinées de chlore ne fonctionnent pas aussi bien que les concentrations résiduelles de chlore libre comme sentinelles de la contamination potentielle après traitement. La baisse dans les mesures combinées du chlore n'est pas toujours assez importante ou assez rapide pour alerter les services publics d'un problème de contamination dans le réseau de distribution (Snead et coll., 1980; Wahman et Pressman, 2015). De plus, une baisse de la concentration résiduelle peut être causée par une nitrification plutôt que par une contamination après-traitement (Wahman et Pressman, 2015). La surveillance des concentrations résiduelles de désinfectants devrait être effectuée en même temps que d'autres paramètres dans le cadre de programmes plus vastes de qualité microbiologique et de nitrification.

Les chloramines organiques fournissent peu ou pas de désinfection (Feng, 1966; Donnermair et Blatchley, 2003). Dans des expériences en laboratoire, Lee et Westerhoff (2009) ont étudié la différence entre la chloration et la chloramination sur la formation des chloramines organiques dans l'eau contenant des matières organiques naturelles. Les chloramines organiques se forment plus rapidement par chloration (quantités importantes après un temps de contact de 10 minutes) que par chloramination (quantité minimale après 2 heures). Il s'agit d'une pratique courante de fournir un temps de contact suffisant pour atteindre une chloration au point critique (laquelle est importante pour s'assurer une désinfection primaire correcte) suivie d'un ajout d'ammoniac. Le risque de générer des chloramines organiques est une considération importante, bien que moins importante que d'atteindre les objectifs de désinfection primaire.

4.4.4 Formation de sous-produits de désinfection par chloramination

Les chloramines sont souvent utilisées comme traitement secondaire de remplacement du chlore libre pour se conformer aux normes régissant les SPD, en fonction des AHA et des THM. Cependant, les chloramines réagissent également avec la matière organique naturelle (MON) pour former d'autres SPD comme des sous-produits de désinfection iodés (SPD-I) et des nitrosamines (Richardson et Ternes, 2005; Charrois et Hrudey, 2007; Hua et Reckhow, 2007; Richardson et coll., 2008; Nawrocki et Andrzejewski, 2011). L'hydrazine peut également se former à la suite de réactions abiotiques de l'ammoniac et de la monochloramine (Najm et coll., 2006).

Les SPD-I se forment plus facilement dans les réseaux chloraminés. La monochloramine oxyde rapidement l'iodure en acide hypoïde, mais la réaction avec la MON est lente, et laisse suffisamment de temps pour la formation des SPD-I (Singer et Reckhow, 2011). Le chlore et l'ozone peuvent également oxyder l'iodure en acide hypoiodeux; cependant, l'iodure est ensuite oxydé en iodate, et ne forme que des traces ou des quantités minimes de SPD-I (Hua et Reckhow, 2007). Dans des expériences en laboratoire de formation dans de l'eau brute simulée, Pan et coll. (2016) ont constaté que l'eau chloraminée produisait des SPD-I plus polaires que l'eau traitée au dioxyde de chlore ou au chlore. Les auteurs ont également constaté qu'à mesure que le pH augmentait (de 6 à 9), la formation de SPD-I polaires diminuait. Il a été montré que des facteurs de qualité de l'eau comme le pH et les rapports du carbone organique dissous, l'iodure et le bromure jouent un rôle important dans la détermination des espèces et de l'abondance des trihalométhanes iodés formés dans les conditions caractéristiques de l'eau potable (Jones et coll., 2012).

La N-nitrosodiméthylamine (NDMA) est un sous-produit qui contient de l'azote et qui peut se former lors le traitement de l'eau potable, particulièrement durant le traitement aux chloramines et, dans une plus faible mesure, pendant la chloration (Richardson et Ternes, 2005; Charrois et Hrudey, 2007; Nawrocki et Andrzejewski, 2011). La clé du contrôle de la formation de NDMA réside dans la limitation de ses précurseurs, dont la dichloramine (Santé Canada, 2011). Par ailleurs, Krasner et coll. (2015) ont démontré que plusieurs technologies de pré-oxydation étaient efficaces pour détruire les précurseurs de la NDMA provenant du bassin versant (ozone >chlore > UV moyenne pression > UV basse pression > permanganate). Uzen et coll. (2016) ont observé que des facteurs propres au site, comme les réservoirs en amont, le rejet d'eaux usées et les conditions de mélange, peuvent influer sur le potentiel de formation de NDMA et devraient être caractérisés pour chaque site individuel. Des descriptions plus détaillées des précurseurs et des options de traitement se trouvent dans Krasner et coll. (2015), Woods et coll. (2015) et Uzen et coll. (2016). Les polymères cationiques qui renferment du chlorure de diallyldiméthylammonium, utilisés dans le traitement de l'eau, peuvent également être une source de précurseurs de la NDMA (Wilczak et coll., 2003a).

Dans certaines conditions, de l'hydrazine peut se former par réaction de l'ammoniac et de la monochloramine. Najm et coll. (2006) ont constaté qu'à de faibles concentrations d'ammoniac libre-azote (< 0,5 mg/l) et à un pH < 9, moins de 5 ng/l d'hydrazine étaient formés, mais qu'une hausse des concentrations d'ammoniac ou du pH augmentait également la formation d'hydrazine. Davis et Li (2008) ont prélevé 13 échantillons auprès de six installations d'eau potable chloraminée et ont trouvé de l'hydrazine à des concentrations supérieures à la limite de détection de 0,5 ng/l dans sept des échantillons (0,53 à 2,5 ng/l). La production d'hydrazine s'est révélée plus importante lorsque les procédés de traitement présentaient un pH élevé (p. ex., adoucissement à la chaux). Plusieurs procédés de traitement sélectionnés permettent de réduire au minimum la production d'hydrazine, y compris le report de la chloramination jusqu'à ce que le pH soit ajusté (c.-à-d. l'étape de recarbonatation) et la gestion du rapport Cl2:NH3-N de manière à diminuer la concentration en ammoniac libre (Najm et coll., 2011).

4.4.5 Considérations relatives au goût et à l'odeur

Les préoccupations des consommateurs concernant les chloramines dans l'eau potable sont souvent liées aux problèmes de goût et d'odeur, bien que le goût et l'odeur des chloramines soient généralement moins perceptibles et moins désagréables pour les consommateurs que ceux du chlore libre. D'ordinaire, l'espèce principale de chloramine, la monochloramine, ne contribue pas de façon importante au goût et à l'odeur indésirables de l'eau potable lorsque les concentrations ne dépassent pas 5 mg/l (Kirmeyer et coll., 2004). La dichloramine et la trichloramine sont davantage susceptibles de susciter des plaintes, en particulier si elles représentent plus de 20 % de la concentration de chloramines dans l'eau potable (Mallevialle et Suffett, 1987).

Plusieurs études menées auprès de groupes ou de volontaires pour déterminer les seuils de goût et d'odeur des chloramines dans l'eau ont montré que la perception du goût et de l'odeur était très variable. Krasner et Barrett (1984) ont utilisé la régression linéaire de données compilées provenant d'un panel formé d'individus modérément à très sensibles pour obtenir un seuil de goût de 0,48 mg/l et un seuil d'odeur de 0,65 mg/l pour la monochloramine. Seules les personnes les plus sensibles pouvaient détecter la monochloramine à dans la plage de 0,5 à 1,5 mg/l (Krasner et Barrett, 1984). Par contre, un seuil de goût de 3,7 mg/l a été établi chez des volontaires non formés dans la population (Mackey et coll., 2004). De même, Shorney-Darby et Harms (2010) ont constaté qu'il est peu probable que des concentrations de 5 mg/l de monochloramine dans l'eau potable causent des plaintes relativement au goût et à l'odeur. Lubbers et Bianchine (1984) ont constaté une grande variabilité dans la perception individuelle du goût des chloramines. Bien qu'une dose de 24 mg/l soit considérée légèrement (6/10) à très (2/10) désagréable pour la plupart des volontaires (n = 10), un sujet n'a pu détecter un goût et un autre n'a pas trouvé le goût désagréable.

Par contre, la présence de dichloramine et de trichloramine a été décelée à des concentrations beaucoup plus faibles. Krasner et Barrett (1984) ont déterminé que les seuils du goût et de l'odeur pour la détection sensorielle de la dichloramine étaient de 0,13 mg/l et de 0,15 mg/l, respectivement. Des goûts et des odeurs indésirables ont été observés entre 0,9 et 1,3 mg/l et, dans une moindre mesure, à 0,7 mg/l (Krasner et Barrett, 1984). Shorney-Darby et Harms (2010) ont déclaré qu'on ne s'attendait pas à des plaintes relatives au goût et à l'odeur se détériorent lorsque la concentration de dichloramine est inférieure à 0,8 mg/l. Toutefois, le Metropolitan Water District of Southern California estimait que 0,5 mg/l représentait un meilleur seuil (Krasner et Barrett, 1984). Une concentration de seuil olfactif similaire a été observée pour la trichloramine à 0,02 mg/l (Shorney-Darby et Harms, 2010). Les services publics peuvent s'attaquer aux problèmes de goût et d'odeur au moyen de diverses stratégies opérationnelles visant à régler les problèmes liés à l'âge de l'eau, au besoin de désinfection, aux problèmes hydrauliques (comme les culs-de-sac et les zones à faible débit), à la prolifération bactérienne et au dosage (Kirmeyer et coll., 2004).

L'optimisation du traitement pour la production de monochloramines réduit le potentiel de formation de dichloramine et de trichloramine, ce qui se traduit par une eau ayant le moins de saveur. Les réactions des chloramines avec des composés organiques dans l'eau peuvent former des sous-produits qui causent également des problèmes de goût et d'odeur.

Les stratégies opérationnelles visant à diminuer les problèmes de goût et d'odeur comprennent le traitement de l'eau pour éliminer les précurseurs de goût et d'odeur, le rinçage du réseau de distribution et la diminution de l'âge de l'eau dans le réseau de distribution. Les études (voir la section 9.0) et les enquêtes disponibles n'ont pas révélé d'effets nocifs sur la santé associés à une exposition à la monochloramine aux concentrations utilisées pour la désinfection de l'eau potable. Bien que les concentrations couramment trouvées dans l'eau potable se situent dans une plage acceptable pour le goût et l'odeur, les sensibilités individuelles quant à l'acceptabilité de l'approvisionnement en eau peuvent varier. De plus, lorsque des concentrations élevées de chloramines sont nécessaires pour maintenir une concentration résiduelle efficace de désinfectant dans l'ensemble du réseau de distribution, les seuils gustatifs médians peuvent être dépassés. Par conséquent, il est important que les services publics qui envisagent une conversion à la monochloramine tiennent compte des problèmes potentiels de goût et d'odeur au moment de choisir des stratégies d'opération et de gestion.

L'évaluation de l'acceptabilité par les consommateurs et la prise en compte de leurs plaintes sont importantes pour vérifier la qualité de l'eau dans le cadre d'une approche de gestion de l'eau potable fondée sur les risques, comme un plan de gestion de la sécurité sanitaire de l'eau (OMS, 2005; Bartram et coll., 2009). La communication avec les consommateurs sur des questions comme le goût et l'odeur constitue un élément clé de l'évaluation et de la promotion de l'acceptabilité de l'approvisionnement en eau potable par la population. Des documents d'orientation visant à aider les services publics qui utilisent la chloramination à mettre au point des programmes de communication et de rétroaction des consommateurs sont offerts ailleurs (Whelton et coll., 2007).

5.0 Exposition

On ne trouve pas de données environnementales pour les chloramines inorganiques présentes dans les sédiments, les sols et l'air ambiant (Environnement Canada et Santé Canada, 2001). Ainsi, l'eau potable est considérée comme étant la source principale d'exposition pour la présente évaluation.

5.1 Eau

Les chloramines peuvent être mesurées en tant que chlore résiduel combiné, correspondant à la différence entre le chlore résiduel total et le chlore résiduel libre. Cette méthode présente des limites parce que la valeur du chlore combiné ne détermine pas les concentrations individuelles de monochloramine, de dichloramine, de trichloramine et d'organochloramines présentes dans l'eau potable, et parce que la mesure du chlore libre n'est pas toujours précise en présence de concentrations élevées de chloramines. Les chloramines individuelles peuvent être différenciées à l'aide de procédures à étapes multiples, mais les interférences comme les chloramines organiques peuvent dans certains cas entraîner des mesures erronées (p. ex. surestimation des concentrations de monochloramine) (Lee et coll. 2007; Ward, 2013) (voir la section 6.1 pour de plus amples renseignements). La monochloramine peut également être mesurée directement à l'aide d'analyseurs portables et d'analyseurs continus en ligne (voir section 6.2) avec moins d'interférences.

Le tableau 2 présente quelques données provinciales tant pour les réseaux dans lesquels les chloramines sont produites intentionnellement par chloramination que dans les réseaux où les chloramines sont produites par chloration en présence de concentrations de fond d'ammoniac. En général, les concentrations de chloramines ou de chlore combiné sont inférieures à 3 mg/l; seules quelques valeurs supérieures à 3 mg/l ont été signalées.

Tableau 2. Concentrations résiduelles de désinfectant dans certains réseaux de distribution au Canada
Province
(Année)
# de sites Intervalle : min-max
(Nbre de non-détections/nbre total d'échantillons)
Chlore total Chlore libre Chloramines Mono- Di- Tri-
C.-B.Note de bas de tableau 2 - a
(2015)
37 0,01–1,86 ppm
(1913/1923)
0–0,97
ppm (1908/1918)
--- 0,6–1,51 mg/L
(51/51)
0–0,7 µg/L
(47/51)
---
BCNote de bas de tableau 2 - a
(2016)
37 0,03–1,89 ppm
(1931/1931)
0–0,93 ppm
(1918/1929)
--- 0–1,3 mg/L
(50/51)
0–0,61 µg/L
(48/50)
---
Ont.Note de bas de tableau 2 - b,Note de bas de tableau 2 - c
(2012–2017)
108 --- --- 0–2,64 mg/L
(1498/1500)
--- --- ---
Ont.Note de bas de tableau 2 - d
(2016)
2 --- --- 1,26–2,20 mg/L (1460/1460) 1,21–2,03 mg/L (1460/1460) aucune donnée disponible aucune donnée disponible
QcNote de bas de tableau 2 - e
(2013–2015)
3Note de bas de tableau 2 - f --- --- 0,07–1,80
mg/L (7/7)
--- --- ---
QcNote de bas de tableau 2 - e
(2013–2015)
5Note de bas de tableau 2 - g 0,01–4,6 mg/L (3432/3432) 0–4,2 mg/L
(2888/3432)
0–3,24 mg/L
(3423/3432)
--- --- ---
QcNote de bas de tableau 2 - e
(2013–2015)
11Note de bas de tableau 2 - i 0–7,05 mg/L
(2916/2924)
0–5,5 mg/L
(2685/2924)
0–2,47 mg/L
(2916/2924)
--- --- ---
Sask,Note de bas de tableau 2 - h (2006–2015) 18 0,62–3,24 mg/L
(25/25)
0,01–1,18 mg/L
(24/24)
0,01–3,9 mg/L
(28/28)
1,28–3,11 mg/L
(24/24)
--- ---

--- = sans objet

5.2 Air

Des chloramines peuvent se trouver dans l'air ambiant des installations de l'industrie alimentaire qui utilisent généralement de grandes quantités de produits désinfectants. Par exemple, des concentrations totales de chloramines (principalement de trichloramine) ont été signalées dans l'air ambiant d'usines de transformation de salades vertes (p. ex. 0,4-16  mg/m3; Hery et coll. 1998)et des usines de transformation de la dinde (p. ex. concentrations moyennes de 0,6-1 mg/m3; Kiefer et coll., 2000).

5.3 Piscines et cuves thermales

Les chloramines sont présentes dans l'eau des piscines intérieures et, dans une moindre mesure, des piscines extérieures, ainsi que dans l'air avoisinnant, sous forme de SPD de la chloration (Simard et coll., 2013). En général, les baigneurs ingèrent 14 ml (moyenne géométrique) d'eau de piscine par baignade avec des moyennes géométriques de 38,2 ml, 22,1 ml et 10,4 ml ingérés par les enfants, les adolescents et les adultes, respectivement (Dufour, et coll., 2017). Simard et coll. (2013) ont démontré que l'eau des piscines intérieures contenait 739 µg/l (plage : 311 µg/l à 1 723 µg/l) de chloramines totales, dont 55 % de monochloramine, 12 % de dichloramine et 33 % de trichloramine (calculées respectivement à 404, à 88 et à 243 µg/l en fonction de la concentration moyenne) alors que la concentration moyenne des chloramines totales des piscines extérieures était de 142 µg/l (plage : 8 µg/l à 854 µg/l) et était constituée de 51 % de monochloramine, 16 % de dichloramine et 33 % de trichloramine (calculées à 72, à 23 et à 47 µg/l, respectivement en fonction de la concentration moyenne). À l'aide des valeurs ci-dessus, l'apport en monochloramine pendant la baignade des enfants, des adolescents et des adultes peut être calculé comme étant de 3 à 15 µg, de 2 à 9 µg et de 1 à 4 µg, respectivement.

En raison de sa volatilité élevée et de sa faible solubilité, la trichloramine est l'espèce prédominante présente dans l'air des piscines. De nombreux articles font état de concentrations de trichloramine dans l'air des piscines intérieures (y compris les parcs aquatiques), les concentrations moyennes variant d'environ 114 µg/m3 à 670 µg/m3 (Carbonnelle et coll., 2002; Thickett et coll., 2002; Jacobs et coll., 2007; Dang et coll., 2010; Parrat et coll., 2012). De nombreux facteurs influencent les concentrations de trichloramine dans l'air, notamment le nombre de baigneurs, les composés organiques (principalement l'urine et la sueur) introduits dans l'eau par les baigneurs, la ventilation de l'air, ainsi que la température, la circulation et le mouvement de l'eau (éclaboussures, vagues, etc.) (Carbonnelle et coll., 2002; Jacobs et coll., 2007; Parrat et coll., 2012).

5.4 Exposition par voies multiples par l'eau potable

Les caractéristiques physico-chimiques de la monochloramine et de la dichloramine (par exemple, elles sont solubles dans l'eau, mais non volatiles; voir tableau 1) indiquent que l'exposition par voie cutanée et par inhalation est peu probable. Inversement, la trichloramine est très volatile et non soluble dans l'eau. En outre, la trichloramine est relativement instable dans l'eau et ne se forme qu'au-delà du point critique (voir la figure 1) ou dans des conditions de pH faible, conditions qui sont peu probables dans l'eau potable traitée. Par conséquent, dans des conditions normales d'utilisation, le rapport de trichloramine à la chloramine totale est très faible et ne devrait pas contribuer de manière importante à une exposition par voie cutanée ou par inhalation. Par conséquent, l'exposition aux chloramines par inhalation et par voie cutanée pendant la douche et le bain devrait être négligeable.

6.0 Méthodes d'analyse

La monochloramine peut être mesurée par des méthodes de laboratoire ou par des analyseurs en ligne et portables. Les méthodes de laboratoire calculent les chloramines comme étant la différence entre le chlore total et le chlore libre. Les chloramines ainsi calculées comprennent la monochloramine, la dichloramine, la trichloramine et les chloramines organiques.

Les chloramines organiques se forment lorsque de l'azote organique dissous réagit avec du chlore libre ou des chloramines inorganiques (Lee et Westerhoff, 2009). Les chloramines organiques sont des agents interférents connus pour l'ampérométrie en laboratoire et les méthodes à la N,N-diéthyl-p-phénylènediamine (DPD) (APHA et coll., 2012). Wahman et Pressman (2015) ont souligné que les chloramines organiques peuvent entraîner une surestimation de la monochloramine. Lee et Westerhoff (2009) ont estimé que les services publics sont susceptibles de surestimer les concentrations résiduelles de chloramines d'environ 10 % en raison de l'interférence des chloramines organiques. De même, dans Gagnon et coll. (2008), une étude du réseau de distribution en boucle a révélé que les chloramines organiques représentaient environ 10 à 20 % du chlore résiduel total dans un réseau chloraminé. Comme les chloramines calculées en laboratoire peuvent contenir des chloramines organiques, la concentration résiduelle de monochloramine et ainsi la capacité de désinfection peuvent être surestimées.

La monochloramine peut être mesurée directement à l'aide d'analyseurs portatifs et en ligne basés sur la méthode à l'indophénol. L'avantage de cette méthode est d'éviter les interférences des chloramines organiques et une surestimation possible de la monochloramine.

6.1 Méthodes de laboratoire

Il n'existe pas de méthodes normalisées pour mesurer directement les chloramines. Toutefois, il existe plusieurs méthodes normalisées pour mesurer le chlore total et le chlore libre (tableau 3). Le chlore libre est la somme des espèces chlorées qui ne contiennent pas d'ammoniac ou d'azote organique (c.-à-d., Cl2, HOCl, OCl- et Cl3-), alors que le chlore combiné est la somme des espèces chlorées qui sont combinées à l'ammoniac (NH2Cl, NHCl2 et NCl3) (Randtke, 2010). Étant donné que le chlore total est souvent utilisé comme substitut présumé du chlore combiné (chloramines), il est important de mesurer le chlore libre pour valider l'hypothèse que celui-ci n'est pas présent. L'équation 1 ci-dessous montre comment les chloramines (inorganiques + organiques) peuvent être calculées en soustrayant le chlore libre du chlore total :

Chlore combiné (chloramines) = Chlore total - Chlore libre (1)

Les limites de détection de la méthode (LDM) dépendent de la matrice de l'échantillon, des instruments utilisés et des conditions de mesures choisies, et varieront d'un laboratoire à l'autre. Des analyses devraient être effectuées selon les directives de l'autorité responsable de l'eau potable dans la province ou le territoire touché.

Lors de l'utilisation du test colorimétrique à la DPD, il est important de veiller à ce que le personnel de terrain est bien formé pour effectuer les mesures de chlore libre et total. Cette approche permet de s'assurer que les résultats faussement positifs ne sont pas communiqués par inadvertance (Spon, 2008). Les utilisateurs devraient consulter le fabricant au sujet des interférences de la méthode, des substances interférentes et de toute mesure corrective associée qui pourrait se révéler nécessaire. Plusieurs méthodes (SM 4500 D, 4500 F et 4500 G; consulter le tableau 3) comportent des étapes supplémentaires (au-delà du chlore total, libre et combiné) qui peuvent être utilisées pour faire la distinction entre les diverses espèces de chloramines. La dichloramine et la trichloramine sont relativement instables et leurs réactions de formation ne se terminent pas dans des conditions d'eau potable normales (Randtke, 2010). Des instructions particulières pour atténuer les effets des agents interférents (y compris l'interférence d'autres espèces de chlore), un rendement analytique optimal (y compris l'utilisation de blancs de réactifs) et des temps de réaction pour des lectures d'échantillons précises sont offertes dans les documents de la méthode.

Tableau 3. Méthodes normalisées pour la mesure du chlore total, libre et combiné dans l'eau potable
Méthode
(Référence)
Méthodologie Résiduel déterminé
(LDM)
Commentaires
ASTM D1253
(ASTM2014)
Titrage ampérométrique Total, libre, combiné (NA) La réaction est plus lente à un pH > 8 et nécessite un tampon jusqu'à un pH de 7.
Une concentration maximale de 10 mg/l est recommandée.
Les interférences comprennent les ions cuivrique, cuivreux et argent, la trichloramine, certains composés N-chlorés, le dioxyde de chlore, la dichloramine, l'ozone, le peroxyde, l'iode, le brome, le ferrate, l'acide de Caro.
SM 4500-Cl D
(APHA et coll., 2017)
Titrage ampérométrique Total, libre, combiné (NA) Il est recommandé de diluer pour les concentrations supérieures à 2 mg/l. Les interférences sont les suivantes : trichloramine, dioxyde de chlore, halogènes libres, iodure, chloramines organiques, cuivre et argent.
La monochloramine peut interférer avec le chlore libre et la dichloramine peut interférer avec la monochloramine.
La méthode peut également être utilisée pour caractériser des espèces (monochloramine et dichloramine).

SM 4500-Cl G (colorimétrique)
(APHA et coll., 2017)

SM 4500-Cl F
(ferreux)
(APHA et coll., 2017)

N,N-diéthyl-p-phénylènediamine (DPD)

Total, libre, combiné
(10 µg/L)

Total, libre, combiné
(18 µg/L)

Les interférences comprennent le manganèse oxydé, le cuivre, le chromate, l'iodure, les chloramines organiques.

La méthode peut également être utilisée pour caractériser les espèces (monochloramine, dichloramine et trichloramine) en laboratoire.

Hach 10260 rév. 1.0
(HACH, 2013)
DPD Chemkey Total (0,04 mg/l), libre (0,04 mg/l), combiné (s.o.) Les interférences comprennent l'acidité subérieure à 150 mg/l de CaCO3, l'alcalinité subérieure à 250 mg/l en tant que CaCO3,échantillons à pH élevé ou très tamponnés, le brome, le dioxyde de chlore, l'iode, l'ozone, les chloramines organiques, les peroxydes, le manganèse oxydé, le chrome oxydé.
N.D. = Non disponible

6.2 Analyseurs en ligne et portables

Des analyseurs commerciaux en ligne et portatifs sont offerts pour quantifier directement la monochloramine; l'analyse est fondée sur des méthodes à l'indophénol (p. ex., SM 4500-NH3 G) (APHA et coll., 2017). Lors de la mesure de la concentration des chloramines selon les méthodes normalisées décrites dans la section précédente, l'interférence des chloramines organiques peut entraîner une surestimation de la concentration de monochloramine. Les méthodes à l'indophénol pour les mesures de monochloramine résiduelle se sont révélées les plus fiables (Lee et coll., 2007; Ward, 2013). Les analyseurs portables utilisent la méthode à l'indophénol et ont l'avantage de mesurer directement la concentration de monochloramine et d'éliminer la plupart des interférences. Des analyseurs en ligne en continu sont également offerts pour mesurer la monochloramine et l'ammoniac libre et total.

Pour effectuer des mesures précises à l'aide de ces unités, les services de distribution d'eau devraient élaborer un programme d'assurance et de contrôle de la qualité (AQ/CQ) comme ceux décrits dans la méthode SM 3020 (APHA et coll., 2017). De plus, il est recommandé de vérifier périodiquement les résultats à l'aide d'un laboratoire agréé. Les services de distribution d'eau devraient vérifier auprès de l'autorité responsable en matière d'eau potable de l'autorité compétente pour déterminer si les résultats de ces unités sont acceptables.

6.3 Considérations sur l'échantillonnage

Les principaux points d'échantillonnage comprennent le point d'entrée du réseau de distribution (point de référence), les installations d'entreposage, les lieux en amont et en aval des stations de relèvement de la chloramination, les zones à faible débit, les zones d'âge d'eau élevé, les zones de pressions diverses, les zones mixtes (mélange d'eau chlorée et d'eau traitée aux chloramines) et les zones où la taille et la nature des conduites varient. Les services publics devraient examiner attentivement les répercussions sur le réseau de distribution avant de mélanger de l'eau chloraminée et de l'eau chlorée pour répondre à leur situation particulière afin de s'assurer que l'eau sera désinfectée de façon acceptable (AWWA, 2006). Les robinets d'échantillonnage constituent une approche idéale pour l'échantillonnage des résidus (AWWA, 2013). Les bornes d'incendie peuvent également être utilisées pour l'échantillonnage des résidus, en suivant les meilleures pratiques de gestion et en utilisant l'équipement approprié pour obtenir un échantillon approprié (U.S. EPA, 2016a). Alexander (2017) a recommandé de cibler les emplacements éloignés d'un réseau de distribution, suggérant qu'il est préférable de cibler plus d'endroits avec moins d'échantillons à ces endroits plutôt que plus d'échantillons à moins d'endroits. Il a également recommandé de prendre des échantillons supplémentaires à des fins d'étude. Une étude sur les concentrations résiduelles de désinfectant à Flint, au Michigan, a révélé que le nombre et l'emplacement antérieurs des sites d'échantillonnage (10 sites) n'étaient pas suffisants pour détecter des secteurs problématiques. Ces quelques endroits présentaient une concentration résiduelle de désinfectant (chlore) adéquate; mais, l'augmentation du nombre et des lieux d'échantillonnage à des endroits plus représentatifs (24 autres sites) a révélé que la concentration résiduelle de désinfectant était problématique (Pressman, 2017). Bien que les concentrations résiduelles de chloramines soient consommées moins facilement dans le réseau de distribution, il est quand même important d'avoir un ensemble adéquat et représentatif de sites d'échantillonnage. Des ressources décrivant des approches pour déterminer le nombre et le lieu des points d'échantillonnage à des fins de surveillance de la concentration résiduelle des désinfectants à base de monochloramine dans le réseau de distribution sont présentées dans d'autres documents (Louisiana Department of Health and Hospitals, 2016).

Alexander (2017) a souligné l'importance de techniques d'essai appropriées sur le terrain. Les fioles d'échantillons peuvent être rayées (pendant le transport dans un camion) ou souillées, ce qui entraîne des lectures inexactes. En outre, les fioles en plastique favorisent la formation de fines bulles, qui peuvent être éliminées en inversant lentement l'échantillon. Il est important que les opérateurs soient conscients des défis que représente l'échantillonnage des résidus de désinfectants.

Les programmes d'échantillonnage devraient être revus chaque année pour examiner les données historiques, les tendances et les changements dans l'utilisation de l'eau, ainsi que tout changement dans le traitement de l'eau ou l'exploitation du réseau de distribution (AWWA, 2013).

7.0 Considérations liées aux techniques de traitement et aux réseaux de distribution

Étant donné que les chloramines sont ajoutées à l'eau potable pour maintenir une concentration résiduelle dans le réseau de distribution ou sont formées comme sous-produits de la chloration de l'eau potable en présence d'ammoniac naturel, on s'attend à les trouver dans l'eau potable à la station de traitement ainsi que dans les réseaux de distribution et les systèmes de plomberie. Lorsqu'ils envisagent la chloration, les opérateurs peuvent également consulter Khiari (2018) pour de plus amples renseignements. Cette référence donne un bon aperçu des considérations relatives à la chloramination ainsi que des liens vers divers rapports de la Water Research Foundation sur divers sujets associés à la chloramination.

7.1 Traitement à l'échelle municipale

Les besoins CT en monochloramine sont d'un à plusieurs ordres de grandeur supérieurs à ceux requis par le chlore libre pour atteindre des degrés similaires d'inactivation des bactéries hétérotrophes, E. coli, des bactéries nitrifiantes, des virus entériques et des oocytes de Giardia (LeChevallier et Au, 2004; Wojcicka et coll., 2007; Cromeans et coll., 2010; Santé Canada, 2012b, 2019a et 2019b). Les valeurs CT indiquées montrent également qu'à l'instar du chlore libre, la monochloramine ne permet pas d'inactiver efficacement les oocystes de Cryptosporidium (LeChevallier et Au, 2004; Santé Canada, 2019a).

Compte tenu des avantages opérationnels d'une désinfection secondaire, les opérateurs devraient s'efforcer de maintenir une concentration résiduelle de désinfectant stable dans tout le système. Une surveillance régulière de la qualité de l'eau du réseau de distribution (p. ex., concentration résiduelle de désinfectant, indicateurs microbiens, turbidité, pH) et la mise en place de programmes d'exploitation et d'entretien (nettoyage des conduites d'eau, vérification, remplacement et réparation des jonctions fautives) sont importantes pour s'assurer que l'eau potable est transportée au consommateur avec une perte minimale de qualité (Kirmeyer et coll., 2001, 2014).

7.1.1 Concentrations résiduelles de désinfectant et contrôle microbien

Pour limiter les risques de nouvelle prolifération bactérienne et la formation de biofilms, il faut prévoir une concentration résiduelle de désinfectant solide et stable qui perdure jusqu'aux extrémités du réseau de distribution. La quantité de désinfectant nécessaire pour maintenir la qualité de l'eau dépend des caractéristiques du réseau de distribution, des espèces de bactéries, du type de désinfectant utilisé, de la température, du pH, de la quantité de matière organique biodégradable présente et des nutriments disponibles (C:N:P) (Kirmeyer et coll., 2004). Lorsqu'ils utilisent la monochloramine comme désinfectant, les services publics devraient connaître la concentration résiduelle de désinfectant visée et apporter les ajustements nécessaires pour tenir compte de la demande en monochloramine et de sa dégradation. Des manuels ont été élaborés pour guider les services publics d'approvisionnement en eau à établir des objectifs de désinfection. Ces manuels recommandent que les services publics fixent des objectifs de concentration résiduelle de désinfectant propres au réseau en fonction des objectifs de qualité de l'eau et des caractéristiques du réseau, et qu'ils s'assurent que les concentrations de chloramines à la sortie de l'usine de traitement sont suffisantes pour atteindre la concentration résiduelle visée (Kirmeyer et coll., 2004; AWWA, 2013).

Des études à pleine échelle et en laboratoire ont permis d'examiner l'efficacité des concentrations résiduelles de monochloramine pour contrôler la formation de biofilms dans les réseaux de distribution d'eau potable. Camper et coll. (2003) ont observé qu'une concentration résiduelle de monochloramine de 0,2 mg/l ne réduisait pas complètement la formation de biofilms sur l'époxy, la fonte ductile, le chlorure de polyvinyle (PVC) ou le ciment. De même, Pintar et Slawson (2003) ont noté que le maintien d'une faible concentration résiduelle de monochloramine de 0,2 à 0,6 mg/l n'était pas suffisant pour inhiber la formation de biofilms contenant des bactéries nitrifiantes et des bactéries hétérotrophes sur le PVC. Wahman et Pressman (2015) ont noté que lorsqu'on utilise des chloramines inorganiques (monochloramine), une concentration résiduelle de chlore total « détectable » n'est pas suffisante pour limiter efficacement la prolifération bactérienne dans le réseau de distribution. Dans le cadre d'études à grande échelle menées par Norton et LeChevallier (1997) et Volk et LeChevallier (2000), des échantillons d'eau prélevés dans des réseaux d'eau potable ayant des concentrations résiduelles de monochloramine supérieures à 1,0 mg/l avaient maintenu des numérations bactériennes hétérotrophes inférieures et présenté beaucoup moins de coliformes que dans des réseaux où la concentration de monochloramine était inférieure. Dans des expériences en laboratoire, une concentration résiduelle de monochloramine supérieure à 1,0 mg/l a permis une réduction logarithmique de plus de 1,5 log du nombre de bactéries viables dans des biofilms cultivés sur PVC, fer galvanisé, cuivre et polycarbonate (LeChevallier et coll., 1990; Gagnon et coll., 2004; Murphy et coll., 2008). Lorsqu'on cultivait des biofilms sur des tuyaux en fer, une concentration résiduelle de monochloramine supérieure à 2,0 mg/l permettait une réduction logarithmique de plus de 2 log du nombre de bactéries (LeChevallier et coll., 1990; Ollos et coll., 1998; Gagnon et coll., 2004). Des concentrations résiduelles de monochloramine supérieures à 2 mg/l peuvent également être requises pour limiter le développement de biofilms nitrifiants (voir la section 7.2.4).

La monochloramine est réputée mieux pénétrer les biofilms en raison de sa faible réactivité avec les polysaccharides, le principal composant de la matrice des biofilms (Vu et coll., 2009; Xue et coll., 2014). Dans des expériences de transport liées à la désinfection utilisant des microélectrodes sensibles au chlore et à la monochloramine, la monochloramine pénétrait le biofilm plus rapidement et plus profondément que le chlore libre, mais n'entraînait pas une inactivation complète (Lee et coll., 2011, Pressman et coll., 2012). Les travaux de Xue et coll. (2013, 2014) laissent croire que l'efficacité et la persistance de la désinfection par la monochloramine pourraient être influencées par deux facteurs combinés : les substances polymères extracellulaires de polysaccharides (SPE) obstruant les sites réactifs de la monochloramine sur les bactéries et les composants protéiques des SPE qui réagissent avec la monochloramine. Par contre, le chlore libre a réduit la pénétration du biofilm, mais qu'il agit plus efficacement là où il pénètre (Lee et coll., 2011, 2018). Ces résultats mettent en lumière les défis auxquels doivent faire face les services publics d'eau potable qui effectuent des traitements aux chloramines, mais qui ont recours à des périodes d'application de chlore libre pour réduire la nitrification, et contribuent à expliquer pourquoi la nitrification est ainsi difficile à enrayer une fois amorcée (Lee et coll., 2011, 2018).

Pour maximiser l'efficacité des stratégies de désinfection secondaire, il est important de connaître les facteurs propres au réseau qui peuvent rendre difficile l'atteinte des concentrations résiduelles visées.

7.1.2 Facteurs à prendre en considération lors d'une conversion aux chloramines

Un changement de désinfectant (oxydant), y compris le passage à une désinfection secondaire aux chloramines, peut avoir une incidence sur la qualité de l'eau. Il est fortement recommandé de réaliser des études propres au site sur la qualité de l'eau et la corrosion pour bien saisir les interactions complexes entre la qualité de l'eau, les matériaux du réseau de distribution et les produits chimiques de traitement utilisés dans chaque réseau d'approvisionnement en eau. Certains facteurs à prendre en considération lorsqu'on envisage de traiter aux chloramines comprennent la nitrification, le développement de biofilms, la perte de désinfectant résiduel, la formation de SPD, la dégradation des matériaux élastomères (Section 7.2.7) et les répercussions des matériaux de plomberie du réseau de distribution et des installations sanitaires sur la corrosion. Les zones, dans le réseau de distribution, où le mélange avec de l'eau chlorée peut se produire, devraient également être prises en considération. La complexité et les conséquences potentielles (p. ex., la corrosion) de la modification des pratiques de désinfection sont examinées plus en détail à la section 7.2.5 et des directives supplémentaires sont fournies dans AWWA (2006 b) et U.S. EPA (1999).

7.1.3 Présence d'ammoniac dans la source d'approvisionnement en eau

L'ammoniac peut être présent dans la source d'approvisionnement en eau et les stratégies de traitement dépendent de nombreux facteurs, y compris les caractéristiques de l'approvisionnement en eau brute, la source et la concentration d'ammoniac (y compris les variations), les conditions opérationnelles de la méthode de traitement particulière et le but du traitement des services publics. Dans certains cas, les services publics formeront des chloramines comme stratégie pour éliminer naturellement l'ammoniac dans l'approvisionnement en eau brute, tandis que d'autres pourraient utiliser la chloration au point critique. Dans les deux cas, une surveillance fréquente des paramètres pertinents (ammoniac, chlore combiné, total et libre) est nécessaire pour s'assurer que les objectifs sont atteints en tout temps. De plus amples détails sur les stratégies et les techniques d'élimination de l'ammoniac, y compris les traitements biologiques, sont présentés dans le document de Santé Canada (2013a).

Lorsque de l'azote organique est présent dans la source d'approvisionnement en eau, celui-ci réagit avec le chlore pour former des chloramines organiques. Dans la plupart des cas, les chloramines organiques n'ont pas de propriétés désinfectantes. Les chloramines organiques apparaîtront sous forme de dichloramine lorsqu'elles seront mesurées par titrage direct au moyen de méthodes ampérométriques ou à la DPD (Randtke, 2010). Comme les chloramines organiques interfèrent avec les méthodes d'analyse de la chloramination, la concentration résiduelle de chloramine peut être surestimée si on utilise une méthode ampérométrique ou à la DPD.

7.2 Considérations liées aux réseaux de distribution

L'utilisation de chloramines comme désinfectant secondaire peut avoir des répercussions sur la qualité de l'eau du réseau de distribution, notamment sur la corrosion, la nitrification, la nouvelle prolifération microbienne et la prolifération d'agents pathogènes opportunistes.

7.2.1 Perte du désinfectant résiduel

Les chloramines se décomposent d'elles-mêmes par une série de réactions (Jafvert et Valentine, 1992). Toutefois, la décomposition des chloramines peut également être influencée par une interaction avec les matériaux de la plomberie et la MON, ce qui entraîne une perte de désinfectant résiduel.

Vikesland et Valentine (2000) ont démontré une réaction directe entre le Fe(II) et la molécule de monochloramine, réaction qui entraîne la formation d'ammoniac. Les oxydes de fer jouent un rôle autocatalytique dans l'oxydation du Fe(II) par la monochloramine (Vikesland et Valentine, 2002). Dans des expériences en laboratoire, Westbrook et DiGiano (2009) ont comparé les taux de perte de chloramine à la surface de deux conduites, des conduites en fonte ductile revêtues de ciment et des conduites tubulaires en fonte tubulaires et non revêtues de ciment. La décomposition des chloramines s'est produite plus rapidement (de 3,8 mg/l à < 1 mg/l en 2 h) pour les conduites en fonte non revêtues par rapport aux conduites en fonte ductile revêtues de ciment (de 3,7 mg/l à 1,5 mg/l en 2 h).

Duirk et coll. (2005) ont décrit deux réactions entre les chloramines et la MON : une réaction rapide et une réaction lente où l'on a présumé que les chloramines s'hydrolysaient en HOCl. La lenteur de la réaction expliquerait la plus grande partie de la perte de chloramines dans ce mécanisme. Zhou et coll. (2013) ont signalé que le rapport de mélange des chloramines avait une incidence sur la vitesse de décomposition en présence de MON; une vitesse de décomposition plus élevée a été observée pour les chloramines mélangées dans un rapport de 3:1 que pour celles mélangées dans un rapport de 4:1. Wilczak et coll. (2003 b) ont indiqué que la nature et les caractéristiques de la MON sont des facteurs importants dans la façon dont les chloramines réagissent avec la MON. Par ailleurs, les auteurs ont observé que des fragments de bactéries qui se détachent des filtres au charbon actif granulaire (CAG) biologiquement actifs à pleine échelle imposaient une demande importante en chloramines.

On a observé que le carbonate accélère la décomposition de la monochloramine en agissant comme catalyseur acide général (Vikesland et coll., 2001). La même étude a également montré que les nitrites imposaient une demande importante à long terme en monochloramine et que même si le bromure influence la perte de chloramines, à de faibles concentrations (< 0,1 mg/l), il ne jouait pas un rôle déterminant (Vikesland et coll., 2001). Wahman et Speitel (2012) ont exploré le rôle important du HOCl dans l'oxydation des nitrites et ont constaté qu'il atteignait une concentration maximale à un pH situé entre 7,5 et 8,5. Un rapport Cl2:NH3-N de 5:1 était également associé à une oxydation accrue des nitrites (comparativement à un rapport Cl2:NH3-N de 3:1). L'augmentation de l'oxydation des nitrites par le HOCl était également associée à une concentration plus faible de nitrites (0,5 mg de N/l comparativement à 2 mg de N/l) et à des concentrations réduites de monochloramine (1 mg de Cl2/l comparativement à 4 mg de Cl2/l).

Il a également été démontré que des facteurs, comme les rapports de mélange, le pH et la température, jouaient un rôle important dans la vitesse de décomposition des chloramines. Dans des expériences de Zhou et coll. (2013), la vitesse de décomposition des chloramines augmentait avec le temps (72 h). Au un pH > 7, la vitesse de décomposition était plus élevée pour les chloramines mélangées à un rapport de 3:1 que pour celles mélangées à un rapport de 4:1. Cependant, à pH < 7, ce rapport ne jouait pas un rôle évident. La perte de chloramines était plus importante à pH faible. Règle générale, la perte de chloramines augmentait avec une température croissante et la vitesse de décomposition était plus élevée pour les chloramines mélangées dans un rapport de 3:1 qu'à un rapport de 4:1. Des recherches menées par le Philadelphia Water Department ont également montré que la décomposition de la monochloramine sur une période de 25 jours était lente à de basses températures de l'eau (décomposition de 38 % à 7 °C) et plus rapide à de plus hautes températures (décomposition de 84 % à 30 °C) (Kirmeyer et coll. 2004). Wahman (2015) a mis au point des modèles sur le Web de formation et de décomposition des chloramines, fondés sur les modèles unifiés décrits par Jafvert et Valentine (1992) et Vikesland et coll. (2001), ainsi que des réactions des MON décrites par Duirk et coll. (2005). Un modèle d'entrée utilisateur est également accessible au public (U.S. EPA, 2016b).

7.2.2 Rechloramination et chloration temporaire au point critique

Il est important d'avoir un plan complet de gestion de la distribution pour contrôler la nitrification et maintenir une concentration résiduelle suffisante de désinfectant. La recombinaison de l'ammoniac libre (libéré) dans le réseau de distribution par une chloramination d'appoint peut être utilisée pour maintenir le rapport près de 5:1 dans l'ensemble du réseau (Wilczak, 2006). Les stations de rechloramination peuvent être conçues pour effectuer certaines mesures en fonction de la nécessité de reformer ou de renforcer les chloramines dans l'eau. L'ammoniac libre mesuré dans l'eau et la concentration résiduelle de chloramine souhaitée sont utilisés pour calculer les quantités de chlore et d'ammoniac à doser. La station de rechloramination peut alors soit ne rien faire, soit reformer des chloramines, soit renforcer les chloramines, soit reformer et renforcer les chloramines (Meteer et Horsley, 2015). La chloramination d'appoint doit se faire dans les règles de l'art pour s'assurer qu'un excès d'ammoniac n'est pas ajouté, car cela peut mener à la nitrification (AWWA, 2013).

Auparavant, la chloration libre périodique servait à arrêter la nitrification. Cependant, il a été démontré que cette pratique est inefficace pour réduire à long terme la nitrification, car les communautés microbiennes sont initialement sensibles au changement, mais retournent ensuite à un état de stabilité lorsque la chloramination reprend et que la nitrification recommence (Vikesland et coll., 2006; AWWA, 2013; Gomez-Alvarez et coll., 2016). Dans les cas où l'on a eu recours à des substitutions temporaires au chlore, la pratique peut aller d'un point critique ciblé à court terme d'une zone isolée du réseau de distribution à un épuisement par le chlore plus long, à l'échelle du réseau, selon que la nitrification est locale ou généralisée (Skadsen et Cohen, 2006; AWWA, 2013). Dans le cadre d'une étude à grande échelle, le passage des chloramines au chlore et le retour aux chloramines ont créé une réaction de chloration au point critique, ce qui a entraîné un faible « front transitoire » résiduel de chlore dans le réseau de distribution. Bien que la numération des bactéries hétérotrophes ait temporairement diminué, les THM ont augmenté lors du retour aux chloramines. En effectuant des expériences de chloration au point critique dans les réseaux de distribution, Rosenfeldt et coll. (2009) ont observé qu'il était important d'intégrer un rinçage systématique pour atteindre des concentrations résiduelles de chlore.

7.2.3 Agents pathogènes opportunistes

L'écologie microbiologique des réseaux de distribution et de la plomberie peut être influencée par des facteurs comme la stratégie de désinfection, les paramètres opérationnels et de qualité de l'eau, ainsi que les matériaux et l'âge du réseau (Baron et coll., 2014; Ji et coll., 2015). Il existe des différences entre l'abondance relative de certains groupes bactériens dans l'eau libre et les biofilms dans le réseau de distribution lorsque de la monochloramine est utilisée plutôt que du chlore libre comme désinfectant résiduel (Norton et coll., 2004; Williams et coll., 2005; Hwang et coll., 2012; Chiao et coll., 2014; Mi et coll., 2015).

Les biofilms d'un réseau de distribution et de la plomberie des bâtiments peuvent servir de réservoirs aux pathogènes opportunistes présents dans la plomberie des bâtiments, comme Legionella pneumophila, les mycobactéries non tubéreuses (p. ex., M. avium, M. intracellulare), Pseudomonas aeruginosa et Acinetobacter baumanii (Fricker, 2003; Falkinham, 2015). Dans les pays développés, Legionella et les mycobactéries non tuberculeuses sont de plus en plus reconnues comme des causes importantes de maladies d'origine hydrique pour les groupes vulnérables de la population (Wang et coll., 2012, Beer et coll., 2015; Falkinham, 2015).

L'utilisation des chloramines dans les réseaux de distribution peut contribuer à des conditions environnementales moins favorables au développement de Legionella et plus favorables aux mycobactéries non tubéreuses (Norton et coll., 2004; Williams et coll., 2005; Flannery et coll., 2006; Moore et coll., 2006; Gomez-Alverez et coll., 2012, 2016; Revetta et coll., 2013; Barón et coll., 2014; Chiao et coll., 2014; Gomez-Smith et coll., 2015; Mancini et coll., 2015). L'amibe libre Naegleria fowleri est un pathogène de l'eau potable dont on se préoccupe de plus en plus dans le sud des États-Unis en raison d'infections liées à l'approvisionnement municipal en eau potable en Arizona et en Louisiane (Bartrand et coll., 2014). N. fowleri cause la méningo-encéphalite amibienne primitive (MEAP), une maladie extrêmement rare, mais souvent mortelle qui a été associée principalement à l'inhalation d'eau pendant des activités récréatives aquatiques dans des eaux douces chaudes (Yoder et coll., 2012; Bartrand et coll., 2014). Dans les deux cas survenus en Louisiane, c'était la première fois que de l'eau du robinet désinfectée était associée à une infection à N. fowleri (Yoder et coll., 2012). Les stratégies de lutte contre N. fowleri mises en œuvre par les services publics de distribution d'eau touchés qui utilisent des chloramines comprennent les recommandations suivantes : une concentration résiduelle minimale de monochloramine de 0,5 mg/l dans l'ensemble du réseau de distribution et la surveillance de la nitrification (Robinson et Christy, 1984; NHMRC, 2011; Louisiana Department of Health and Hospitals, 2016).

Un réseau de distribution bien entretenu constitue un élément important pour réduire au minimum la prolifération microbiologique dans l'eau qui circule dans la plomberie des bâtiments. Les services publics devraient également être conscients qu'une variation de la diversité microbiologique des réseaux d'eau potable peut survenir à la suite de modifications apportées aux stratégies de désinfection. Le fait de connaître les effets potentiels de différents désinfectants et différentes sources d'eau sur l'écologie des réseaux d'eau potable contribuera à maximiser l'efficacité des stratégies de désinfection et à réduire au minimum les conséquences imprévues comme l'enrichissement potentiel de groupes microbiens particuliers (Williams et coll., 2005; Baron et coll., 2014).

7.2.4 Nitrification

La nitrification, le processus microbiologique par lequel l'ammoniac est oxydé séquentiellement en nitrite et en nitrate par des bactéries oxydant l'ammoniac et des bactéries oxydant les nitrites, respectivement, est une préoccupation importante pour les services publics qui utilisent des chloramines en désinfection secondaire. L'ammoniac libre peut être présent à la suite du traitement (p. ex., dosage inadéquat ou réactions incomplètes) ou libéré dans un contexte de demande en chloramines et durant sa décomposition (Cunliffe, 1991; U.S. EPA, 2002).

Les problèmes de qualité de l'eau causés par la nitrification comprennent la formation de nitrites et de nitrates, la perte du désinfectant résiduel, la nouvelle prolifération bactérienne et la formation de biofilms, la formation de SPD et la baisse du pH (surtout dans les eaux à faible alcalinité) et de l'alcalinité qui peuvent entraîner des problèmes de corrosion, notamment la libération de plomb et de cuivre (U.S. EPA, 2002; Zhang et coll., 2009, 2010; AWWA, 2013). La prolifération de bactéries nitrifiantes entraîne une perte de désinfectant résiduel et une augmentation de la production de biofilms, ce qui augmente la demande de chlore, la libération d'ammoniac et la nouvelle prolifération des bactéries (Kirmeyer et coll., 1995; Pintar et Slawson, 2003; Scott et coll., 2015). La dégradation cométabolique de la monochloramine par les bactéries oxydant l'ammoniac et les réactions entre les chloramines et les nitrites sont également des mécanismes importants expliquant la perte de chloramine résiduelle (Santé Canada, 2013b; Wang et coll., 2014, Wahman et coll., 2016).

Parmi les facteurs qui favorisent la nitrification, on retrouve les températures chaudes de l'eau, les longs temps de rétention et la présence de grandes quantités de matière organique (exerçant une demande de chloramines qui favorise la libération d'ammoniac libre) dans le réseau de distribution (Kirmeyer et coll., 2004; AWWA, 2013). Des épisodes de nitrification sont généralement signalés pendant les mois d'été, lorsque la température de l'eau varie de 20 °C à 25 °C (Pintar et coll., 2000; AWWA, 2013). Cependant, la nitrification peut également se produire dans les réseaux de distribution à basse température (p. ex., < 10 °C) dans les régions associées à de longs temps de rétention (de quelques jours à quelques semaines) (Pintar et coll., 2000; AWWA, 2013).

En général, pour prévenir la nitrification, il est recommandé que les services publics maintiennent une concentration minimale de monochloramine de 2 mg/l à la sortie de l'usine de traitement et de préférence supérieure à 1,5 mg/l à tous les points de surveillance du réseau de distribution (U.S. EPA, 1999; Norton et LeChevallier, 1997; AWWA, 2013). Une fois la nitrification amorcée, elle est difficile à enrayer, même en appliquant de fortes doses de chloramines. Des bactéries nitrifiantes ont été détectées dans les réseaux de distribution d'eau potable où la concentration résiduelle de chloramines dépassait 5 mg/l (Cunliffe, 1991; AWWA, 2013). Les biofilms nitrifiants peuvent héberger des bactéries viables même après une pénétration complète de la monochloramine à des concentrations élevées (Wolfe et coll., 1990; Pressman et coll., 2012). Les services publics devraient connaître les propriétés chimiques de leur eau et des matériaux de leur réseau avant d'envisager le passage des chloramines au chlore libre et vice versa (AWWA, 2013). L'élaboration de programmes de surveillance de la nitrification est essentielle pour les services publics qui utilisent des chloramines (AWWA, 2013, 2017). Au moment d'instaurer des programmes de surveillance de la nitrification dans un réseau de distribution, les paramètres les plus utiles à surveiller au fil du temps pour connaître les tendances de base et surveiller tout changement sont : chlore (libre et total), monochloramine, ammoniac total et libre, nitrite, nitrate, température, pH, pourcentage de monochloramine, chloramine totale et alcalinité (AWWA, 2013; Ballantyne and Meteer, 2018; municipalité régionale de York, 2019). Les mesures de l'ATP ou la numération des bactéries hétérotrophes, en tant qu'indicateurs de la biostabilité ou des populations microbiologiques, sont également considérées comme des outils utiles (AWWA, 2017).

Lorsque l'on utilise le rinçage pour prévenir la nitrification, il est important d'utiliser la vitesse de rinçage adéquate pour éviter de perturber et de libérer des dépôts accumulés de longue date dans l'eau libre. Les techniques de rinçage inadéquates peuvent remettre en suspension et potentiellement répandre des contaminants dans la zone de rinçage ou plus loin dans le réseau de distribution, ce qui augmente le risque pour la santé publique. Hill et coll. (2018) ont signalé que les conditions suivantes peuvent perturber les dépôts accumulés de longue date : taux ou vitesse de rinçage excessif ou insuffisant, absence de contrôle directionnel et durée de rinçage insuffisante. Il est important que les services publics d'eau établissent et mettent en œuvre la technique de rinçage la plus appropriée. Des stations de rinçage automatique sont recommandées si l'objectif est de renouveler l'eau libre dans une zone en raison de l'âge de l'eau ou d'une mauvaise circulation (Hill et coll., 2018).

Des renseignements détaillés sur les causes de la nitrification et sa surveillance, sa prévention et son atténuation sont présentés dans d'autres documents (AWWA, 2013; Ballantyne et Meteer, 2018). Il est important de souligner que même les mesures de lutte les plus rigoureuses contre les excès d'ammoniac libre et le maintien d'un rapport Cl2:NH3-N approprié ne sont pas toujours efficaces pour prévenir la nitrification. Ceci est dû au fait que les chloramines du réseau de distribution commenceront à se décomposer en fonction de la qualité de l'eau et de l'âge de l'eau, et libéreront de l'ammoniac libre dans l'eau (AWWA, 2013).

7.2.5 Libération de plomb et de cuivre

Plusieurs études ont comparé l'incidence du chlore et des chloramines sur la libération de plomb. Dans le cadre d'une étude où trois services publics étaient passés du chlore aux chloramines, Dyksen et coll. (2007) ont constaté qu'un service public avait réduit les concentrations de plomb, qu'un deuxième service public avait observé une hausse de la libération de plomb inférieure au seuil d'intervention de l'U.S. EPA en vertu du Lead and Copper Rule (LCR), tandis que le troisième service public avait enregistré une hausse supérieure au seuil d'intervention du LCR. Dans le cadre d'une stratégie exhaustive visant à diminuer l'exposition au plomb et à lutter efficacement contre la corrosion, la San Francisco Public Utilities Commission a augmenté le pH de son eau douce de faible alcalinité (pH passant de 8,6 à 9,4). En conséquence, San Francisco n'a pas observé de libération de plomb et de cuivre et cette augmentation de pH n'a pas non plus eu d'impact sur la capacité des services publics à atteindre les seuils d'intervention du LCR après le passage des chloramines au chlore (Wilczak et coll., 2010).

À l'opposé, le passage du chlore aux chloramines comme désinfectant secondaire a été lié à une libération accrue de plomb lors de la crise de l'eau survenue à Washington en 2004, au cours de laquelle les concentrations de plomb mesurées étaient supérieures à 300 μg/l (Renner, 2004; Dyksen et coll., 2007). Les conditions à fort potentiel d'oxydoréduction (potentiel redox) favorisent la formation et l'accumulation d'incrustations de dioxyde de plomb (PbO2) (Schock et Gardels, 1983; Schock et coll., 1996). Comme le chlore est un oxydant puissant, le passage du chlore aux chloramines a réduit le potentiel d'oxydation de l'eau distribuée et déstabilisé les incrustations de PbO2, ce qui a entraîné une libération accrue de plomb (Schock et Giani, 2004; Lytle et Schock, 2005). Un certain nombre d'études ont confirmé que des dépôts stables de PbO2 pouvaient facilement être formés et ensuite déstabilisés et réduits à du Pb(II) (soluble) en peu de temps (quelques semaines à quelques mois) dans des conditions réalistes de pH, de potentiel redox et d'alcalinité du réseau de distribution (Edwards et Dudi, 2004; Lytle et Schock, 2005; Switzer et coll., 2006; Valentine et Lin, 2009). Valentine et Lin (2009) ont indiqué que, pour les réseaux désinfectés aux chloramines, ce type de libération de plomb pourrait être atténué par un pH plus élevé (> 8), des concentrations de carbonate supérieures à 50 mg/l, une réduction au minimum de la dose de monochloramine et le recours à un rapport molaire chlore:ammoniac (Cl:N) inférieur de 0,7:1. Toutefois, les auteurs notent que ce rapport plus faible pourrait augmenter la nitrification si des concentrations résiduelles adéquates ne sont pas maintenues. Ils ont également observé que la MON était un agent plus important de réduction de l'oxyde de plomb que la monochloramine. Dans les expériences réalisées avec un réseau en boucle (eau contenant < 5 mg/l de CaCO3 et présentant un pH de 7,3, et un concentration d'orthophosphate de zinc à 0,8 mg/l sous forme de PO4), la libération de plomb était considérablement plus élevée (environ un ordre de grandeur) après une période de stagnation de 30 minutes et 24 heures pour les réseaux en boucle traités aux chloramines (concentrations résiduelles de 1 mg/l et de 5 mg/l) que pour ceux traités au chlore (1 mg/l) (Woszczynski et coll., 2013). De même, dans des expériences de simulation de remplacement partiel de conduites de service en plomb, on a constaté que la libération de plomb était plus importante avec une eau traitée au silicate de sodium à pH 8 et à une concentration résiduelle de monochloramine de 3 mg/l qu'avec une eau chlorée (1 mg/l) (Zhou et coll., 2015).

Edwards et Dudi (2004) ont constaté que des quantités de plomb initialement élevées étaient relarguées par des dispositifs raccordés à une canalisation, comme des compteurs et des robinets d'arrêt, et qu'elles diminuaient de façon exponentielle au cours de la période d'essai de 58 jours. Les auteurs ont remarqué qu'une plus grande quantité de plomb était relarguée par le laiton traité aux chloramines que par le laiton traité au chlore, bien que le résultat n'était significatif qu'à un niveau de confiance de 85 % en raison de la faible taille de l'échantillon, selon les auteurs. Dans Lin et coll. (1997), en l'absence d'inhibiteurs de corrosion, les chloramines empêchaient la libération de cuivre et augmentaient la libération de plomb du laiton (teneur en plomb de 3 %) comparativement au chlore. Les auteurs ont également examiné la libération de plomb et de cuivre contenus dans le laiton en présence d'orthophosphate de zinc, d'un mélange de phosphate de sodium, d'un mélange de phosphate à chaîne longue et de phosphate de sodium commercial; ils ont constaté que la libération de plomb et de cuivre était plus élevée dans les réseaux chloraminés que dans les réseaux chlorés.

Une étude a permis d'évaluer le potentiel de relargage de divers composants dans l'eau chlorée et l'eau chloraminée, selon les protocoles de la norme 61 de la NSF International (NSF)/American National Standards Institute (ANSI). Cette étude comprenait aussi les résultats d'une évaluation en laboratoire de 28 eaux (chlorées et chloraminées) prélevées dans des services publics répartis dans l'ensemble des États-Unis, résultats qui ont été évalués en fonction de la norme 61 NSF/ANSI sur l'exposition à l'eau (pH de l'eau de 5 et de 10 [Section 8] et pH de l'eau de 8 [Section 9]) pour ce qui est du relargage de plomb, de cuivre et de zinc par des échantillons de laiton (tiges). Les résultats indiquent que ni le chlore ni les chloramines ne constituaient un facteur déterminant dans la libération de métal par les tiges de laiton (Sandvig et coll., 2012). Des expériences ont été menées en laboratoire pour quantifier la teneur en plomb relargué de sept alliages de laiton à faible teneur en plomb vendus sur le marché et contenant 0,25 % de plomb ou moins. Les essais ont été menés sur deux sources d'eau différentes, notamment une eau analysée au moyen du protocole d'essai de la norme 61 (paragraphe 9) de la NSF/ANSI et une eau traitée aux chloramines de faible pH et de faible alcalinité susceptible de relarguer fortement le plomb. Les concentrations de plomb relargué par tous les alliages à faible teneur en plomb étaient inférieures à 1 µg/l dans les deux conditions de relargage pendant la durée de l'expérience, soit quatre semaines (Triantafyllidou et Edwards, 2010).

Douglas et coll. (2004) ont déterminé que la nitrification à l'intérieur du réseau de distribution était responsable d'une baisse du pH qui a entraîné des concentrations élevées de plomb dans un secteur de la ville ayant des canalisations en plomb. Des concentrations de plomb au robinet (10-15 µg/l pour les échantillons d'eau courante) ont été mesurées dans les endroits du réseau de distribution où on a observé une baisse de pH (de 8,5 à une plage de 7,8-8,2). La nitrification peut se produire à l'intérieur de la plomberie de l'établissement et entraîne une baisse du pH, d'où une libération possible de cuivre et de plomb des raccords en laiton (Zhang et coll., 2008, 2009, 2010). Une étude de Zhang et coll. (2009) a montré que l'importance de la baisse de pH dépendait de l'alcalinité de l'eau : la baisse importante de pH est associée à une alcalinité plus faible.

Il existe peu de données dans les publications scientifiques sur l'effet des désinfectants sur le cuivre. Dans le cadre d'une enquête menée en 2007 auprès des services publics, 2 des 11 services publics participants ont fourni des données sur le cuivre avant et après un passage du chlore aux chloramines (Dyksen et coll., 2007). Les deux services publics ont signalé une baisse de la libération de cuivre après la chloramination. Dans une étude en laboratoire, Rahman et coll. (2007) ont évalué l'effet de trois désinfectants (chlore, dioxyde de chlore et chloramines) à deux pH (7,2 et 8,5) et à deux conditions d'alcalinité (10 ou 100 mg CaCO3/l). Les auteurs n'ont observé aucune différence notable au chapitre de la libération de cuivre dissous entre la solution témoin sans désinfectant et n'importe lequel des désinfectants utilisés dans l'étude. De façon générale, l'étude a révélé que l'utilisation de désinfectant réduisait la libération de cuivre. En effet, la plus faible libération de cuivre total s'est produite à un pH de 8,5, à une alcalinité de 10 mg de CaCO3/l et à une concentration de chlore de 1,0 mg de Cl2/l.

Dans le cadre d'une étude évaluant le potentiel de relargage de divers composants en laiton dans l'eau chlorée et l'eau traitée aux chloramines, selon les protocoles de la norme 61 NSF/ANSI, des services publics de partout aux États-Unis ont subi une enquête sur des problèmes relatifs à la libération de cuivre et de plomb. Les réponses à l'enquête ont révélé certains problèmes de libération de ces deux métaux lorsque des chloramines sont employées pour la désinfection secondaire. Toutefois, les auteurs ont précisé que leurs observations ne portaient pas particulièrement sur le passage du chlore aux chloramines (Sandvig et coll., 2012).

Boyd et coll. (2008) ont étudié les effets d'un changement de désinfectant, soit le remplacement du chlore libre par des chloramines et vice versa, sur la vitesse du relargage de métaux et les concentrations de métaux pour les composants en plomb, en laiton et en cuivre d'un réseau de distribution. On a utilisé de l'eau du robinet provenant du réseau d'approvisionnement de la municipalité et les paramètres relatifs à la qualité de l'eau (concentration résiduelle de désinfectant, pH, alcalinité et concentration d'orthophosphate) ont été surveillés et maintenus. Les auteurs ont effectué des essais dans un réseau en boucle en utilisant des conduites neuves en cuivre et en bronze (comme substitut du laiton standard) avec des couplages galvaniques cuivre-bronze, plomb-bronze et plomb-cuivre. Les concentrations de cuivre dans les réseaux en boucle constitués d'une canalisation en cuivre et en bronze non passivée étaient sensibles au chlore libre et aux chloramines, mais les effets étaient transitoires et n'étaient pas liés à un désinfectant en particulier.

Certains procédés de traitement peuvent augmenter les concentrations de plomb dans l'eau potable en modifiant des paramètres de qualité de l'eau qui peuvent avoir une incidence sur la libération de plomb. Ainsi, toute modification apportée au procédé de traitement, en particulier celles qui ont des effets sur les paramètres de qualité de l'eau comme le pH, l'alcalinité et le potentiel d'oxydoréduction (p. ex., le remplacement du chlore par des chloramines comme désinfectant résiduel) qui pourrait entraîner une libération de plomb devrait être faire l'objet d'une surveillance étroite pour évaluer la nécessité de réduire la corrosion. Pour un exposé plus détaillé sur la lutte contre la corrosion, voir le document de Santé Canada (2009).

7.2.6 Fer

On dispose de peu d'information sur les effets des chloramines sur le fer. Toutefois, dans un sondage effectué auprès des services publics par Dyksen et coll. (2007), trois services publics qui étaient passés du chlore aux chloramines ont répondu à l'aide de données sur « l'eau rouge ». En général, les plaintes concernant la coloration de l'eau diminuaient à la suite du passage aux chloramines; toutefois, deux services publics ont observé une augmentation initiale du nombre de plaintes pendant plusieurs mois avant de revenir sous le nombre des plaintes observé lors du traitement au chlore. Il ne faut pas ignorer les implications des événements de coloration de l'eau, car des composés inorganiques à l'état de traces comme le plomb ainsi que l'arsenic, le chrome, l'uranium, le manganèse et le vanadium ont été associés à une libération d'incrustations de fer (Friedman et coll., 2010; Camara et coll. 2013; Masters et Edwards, 2015; Trueman et Gagnon, 2016). Pour un exposé plus détaillé sur la lutte contre la corrosion, voir le document de Santé Canada (2009).

7.2.7 Matériaux élastomères

L'effet des chloramines sur les joints d'étanchéité est un problème courant. Dans une étude de Seidel et coll. (2005), 16 % des services publics ont déclaré avoir constaté une détérioration des joints d'étanchéité avec l'utilisation des chloramines. Rockaway et coll. (2007a) ont mené une série d'expériences de dégradation accélérée à 23 °C, 45 °C et 75 °C avec des concentrations de chlore et de chloramines de 1 mg/l, 30 mg/l et 60 mg/l pour six matériaux élastomères différents : caoutchouc naturel, caoutchouc néoprène, monomère éthylène propylène-diène-vulcanisé au peroxyde (EPDM-P), monomère éthylène propylène-diène-vulcanisé au soufre (EPDM-S), caoutchouc styrène-butadiène (SBR) et caoutchouc nitrile. En général, les élastomères étaient plus susceptibles de se dégrader en présence de chloramines qu'en présence de chlore. Les élastomères exposés aux chloramines présentaient une plus grande perte de dureté et de résistance à la traction et un gonflement accru. Les auteurs ont évalué la performance globale des matériaux et leur sensibilité à la dégradation et ont classé l'EPDM-P et l'EPDM-S comme les moins sensibles, le caoutchouc naturel, le caoutchouc SBR et le caoutchouc nitrile comme sensibles, et le caoutchouc néoprène comme extrêmement sensible. Nagisetty et coll. (2014) ont déterminé que les élastomères qui se dégradent pouvaient libérer des substances organiques qui résultent du relargage d'additifs de l'élastomère lui-même ou de sous-produits de la réaction des chloramines et de l'élastomère. En utilisant des procédés de dégradation accélérée à des concentrations de chloramines de 40 mg/l et 30 mg/l, ils ont constaté qu'un total de 18 composés organiques différents étaient libérés par le caoutchouc naturel, le SBR et l'EPDM-S après 3 et 30 jours. Bonds (2004) a comparé la dégradation des fluorocarbures (FKM), du SBR, de l'EPDM, des nitriles et des néoprènes utilisés comme joints mécaniques et joints à pression exposés à une solution de chloramines (110 mg/l) pendant 364 jours. L'auteur a signalé qu'à l'exception du FKM, tous les matériaux présentaient des signes importants de détérioration lorsqu'ils étaient exposés sous forme de feuillet (grande surface), mais que cette dégradation n'était pas observée lorsque la surface était réduite (comme c'est le cas quand le joint est installé). Rockaway et coll. (2007a, 2007 b) ont souligné que le choix d'un matériau élastomère est une décision technique, car elle nécessite une évaluation de l'adéquation de chaque matériau au milieu prévu ainsi que d'autres facteurs pour les conséquences d'une défaillance critique. La possibilité de relargage d'autres composés et de sous-produits de dégradation devrait également être prise en compte.

7.3 Traitement à l'échelle résidentielle

En règle générale, il n'est pas nécessaire d'installer des dispositifs de traitement de l'eau potable avec de l'eau traitée par la municipalité. L'installation d'un dispositif de traitement dans une résidence alimentée par de l'eau traitée à l'échelle municipale repose principalement sur un choix individuel. Bien que les dispositifs résidentiels privés de traitement de l'eau potable puissent être une option pour diminuer les concentrations de chloramines dans l'eau potable si le consommateur trouve le goût désagréable, l'enlèvement du désinfectant n'est pas recommandé. Les dispositifs de traitement pour l'enlèvement des chloramines à des fins esthétiques sont couverts par la norme 42 de la NSF/ANSI, laquelle établit les exigences minimales relatives aux matériaux, à la conception, à la construction et au rendement des systèmes de traitement d'eau potable qui sont conçus pour diminuer certains contaminants qui causent des problèmes esthétiques (goût et odeur). Les systèmes certifiés selon la norme 42 de la NSF/ANSI devraient pouvoir diminuer une concentration de départ de monochloramine de 3,0 ± 0,3 mg/l à ≤ 0,5 mg/l (NSF/ANSI, 2018).

Santé Canada ne recommande pas de marques particulières de dispositifs de traitement de l'eau, mais conseille vivement aux consommateurs de n'utiliser que les dispositifs certifiés par un organisme de certification accrédité comme étant conformes aux normes appropriées de NSF International (NSF) et de l'American National Standards Institute (ANSI). Ces normes visent à protéger la qualité de l'eau potable en garantissant l'innocuité des matériaux et le rendement des produits qui entrent en contact avec l'eau potable. Les organismes de certification, qui doivent être accrédités par le Conseil canadien des normes (CCN), certifient qu'un produit est conforme aux normes en vigueur. Au Canada, les organismes suivants ont été accrédités par le CCN pour l'homologation des dispositifs et équipements de traitement de l'eau potable, selon les normes de la NSF/ANSI (CCN, 2019) :

8.0 Cinétique et métabolisme

La documentation ne contenait aucune donnée sur la cinétique ou le métabolisme de la monochloramine, la dichloramine ou la trichloramine à la suite d'une exposition par voie cutanée ou par inhalation. Les seules études de cinétique existantes étaient des études de toxicité par voie orale et des études in vitro sur la monochloramine. En tant qu'oxydant, il est peu probable que la monochloramine demeure intacte après absorption, distribution et excrétion (Conseil national de recherches, 1987). Elle réagira plutôt avec les substrats organiques et inorganiques contenus dans la salive et le suc gastrique pour former des chloramines organiques et des composés iodés (Conseil national de recherches, 1987; Scully et White, 1991). Des études sur le métabolisme ont montré que les ions chlorure, et non la monochloramine, sont absorbés dans la circulation sanguine, distribués dans les tissus et excrétés dans l'urine (Abdel-Rahman et coll., 1983).

8.1 Absorption

D'après des études in vitro sur la persistance dans le temps et des réactions chimiques estimées dans la salive et le suc gastrique, il est peu probable que la monochloramine soit absorbée intacte après ingestion (Scully et White, 1991; Kotiaho et coll., 1992). En ajoutant de l'eau contenant de la monochloramine à des concentrations présentes dans l'eau potable (généralement de 1 à 3 ppm) à des échantillons de salive humaine, Kotiaho et coll. (1992) ont démontré que la réaction de la monochloramine avec la salive dépendait de la concentration. À la faible concentration de 0,7 ppm, la monochloramine demeurait dans la salive humaine pendant au plus 5 minutes, tandis qu'à une concentration de 1,8 ppm, elle persistait jusqu'à 50 minutes. À des concentrations plus élevées (3,6 à 15 ppm), la monochloramine ne réagissait pas complètement avec la salive, même après deux heures (Kotiaho et coll., 1992). Ces temps de décomposition mesurés de la monochloramine dans la salive et la courte durée de séjour dans la bouche donnent à penser que la plus grande partie de la monochloramine présente dans l'eau potable traitée serait intacte au moment d'atteindre l'estomac.

Cependant, dans le suc gastrique, la dégradation de la monochloramine était tellement rapide (moins de 30 secondes à des concentrations de 0,7 à 15 ppm) qu'il est peu probable que la monochloramine soit encore intacte lorsqu'elle pénètre dans la circulation générale (Kotiaho et coll., 1992). Une étude sur le métabolisme chez des rats Sprague-Dawley mâles (n = 4) ayant reçu de la monochloramine marquée au 36Cl- (1,1 mg/rat) par voie orale montrait que le 36Cl- apparaissait dans la circulation sanguine et que le chlorite et le chlorate n'étaient pas présents sous forme de métabolites. Une concentration plasmatique maximale de 10,3 µg/l pour le chlorure a été atteinte 8 h après l'administration de la dose (Abdel-Rahman et coll., 1983). La constante de vitesse d'absorption était de 0,278 h-1 et la demi-vie d'absorption était de 2,5 h pour le chlorure marqué.

8.2 Distribution

Abdel-Rahman et coll. (1983) ont examiné la distribution de la partie de 36Cl de monochloramine radiomarquée administrée par voie orale à des rats mâles (1,1 mg/rat) et ont constaté que le plasma contenait la plus grande quantité (3,15 µg 36Cl/g de tissu), suivi du sang total (2,66 µg/g), de la peau (2,13 µg/g), des testicules (2,09 µg/g), de globules concentrés (1,90 µg/g), de la moelle osseuse (1,82 µg/g), du rein (1,62 µg), du poumon (1,58 µg/g), de l'estomac (1,53 µg/g), de la thyroïde (1,36 µg/g), du thymus (1,36 µg/g), du duodénum (1,20 µg/g), de la rate (1,11 µg/g), de la carcasse (0,77 µg/g), du foie (0,74 µg/g), de l'iléon (0,59 µg/g) et de la graisse (0,18 µg/g).

8.3 Métabolisme

La monochloramine ingérée se décompose rapidement dans l'estomac (Kotiaho et coll., 1992). Les produits de réaction formés dépendent de la concentration de monochloramine, du pH et de la composition du suc gastrique et de l'alimentation (Scully et White, 1991). Le pH de l'estomac varie de 1 à 8 (Scully et White, 1991). À un pH de près de 1, la forme protonée de la monochloramine est plus fréquente et plus susceptible de transférer son chlore aux acides aminés présents dans le suc gastrique, produisant ainsi des acides aminés N-chlorés (Scully et White, 1991). La monochloramine peut également produire des composés organiques iodés dans le suc gastrique et la salive en présence de nutriments comme la tyrosine, l'acide 4-aminobenzoïque, l'acide arachidonique et l'acide folique (Bercz et Bawa, 1986). La formation de dichloramine, de trichloramine ou de chlore moléculaire ne s'est pas produite dans le suc gastrique in vitro (Kotiaho et coll., 1992). La présence de nourriture augmenterait vraisemblablement la vitesse de réaction des substances organiques avec la monochloramine, ce qui produirait une demi-vie plus courte pour la monochloramine dans la salive et le suc gastrique (Scully et White, 1991). Abdel-Rahman et coll. (1983) ont réalisé une étude qui portait sur le chlorure, le chlorite et le chlorate en tant que métabolites, et ont mesuré uniquement du chlorure dans la circulation sanguine des rats après administration par voie orale d'une dose de monochloramine marquée au 36Cl (1,1 mg/rat).

Les résultats obtenus par Kotiaho et coll. (1992), Abdel-Rahman et coll. (1983), et Scully et White (1991) donnent à penser que toute toxicité observée associée à l'ingestion de monochloramine proviendrait probablement de la formation de produits de réaction dans l'estomac plutôt que de l'absorption de chloramines inorganiques intactes.

8.4 Excrétion

Abdel-Rahman et coll. (1983) ont démontré que la monochloramine est partiellement excrétée dans l'urine sous forme de chlorure. Les données sur l'excrétion de rats Sprague-Dawley mâles (n = 4) ayant reçu de la monochloramine marquée à l'isotope 36Cl (1,1 mg/rat) ont montré que seulement 0,40 % et 0,08 % de la dose administrée était excrétée dans l'urine et dans les fèces, respectivement, dans les 24 premières heures suivant le traitement. Au bout de 120 h, les valeurs étaient de 25,15 % dans l'urine et de 1,98 % dans les matières fécales. Aucune trace de 36Cl n'a été décelée dans l'air expiré à aucun moment (Abdel-Rahman et coll., 1983).

9.0 Effets sur la santé

L'exposé suivant sur les effets sur la santé porte principalement sur des études menées par voie orale, car c'est la voie d'exposition la plus pertinente pour les chloramines. La plupart des études existantes traitent de la monochloramine, l'espèce prédominante dans l'eau potable. La dichloramine et la trichloramine sont rarement décelées dans l'eau potable; une seule étude sur l'administration par voie orale pour chaque substance a été trouvée dans les publications scientifiques. Des effets nuls ou minimes ont été observés chez les humains et les animaux après ingestion de monochloramine, l'effet le plus important (diminution du gain pondéral) étant attribué à une consommation réduite d'eau due à une palatabilité moindre à de fortes concentrations de monochloramine.

9.1 Effets chez les humains

Bien qu'on utilise depuis plus de 90 ans la monochloramine pour la désinfection de l'eau potable, seulement quelques études cliniques, études cas témoins et enquêtes cliniques existent dans les publications (U.S. EPA, 2009; Vermont Department of Health, 2012). Les résultats n'indiquaient aucun effet nocif sur la santé, mais les limites des études (évaluation de l'exposition laissant à désirer, chloramination utilisée comme témoin, biais de l'échantillon) ne permettent pas de tirer des conclusions définitives.

En revanche, de nombreuses études ont été publiées sur la toxicité des chloramines par inhalation. Ces études se rapportent à des cas d'intoxication accidentelle par des gaz de chloramines (monochloramine et dichloramine) dus à une mauvaise manutention d'agents de nettoyage ou à une exposition dans un cadre professionnel ou récréatif à la trichloramine utilisée dans des installations alimentaires ou découlant de sa formation dans des piscines, scénarios qui n'ont rien à voir avec l'exposition par l'eau potable (Reisz et Gammon, 1986; Tanen et coll., 1999; Cohle et coll., 2001). Par ailleurs, plusieurs publications ont signalé des effets nocifs sur la santé (diminution de l'haptoglobine et de l'hémoglobine, formation de corps de Heinz, anémie hémolytique, méthémoglobinémie) chez des patients hémodialysés lorsque de l'eau du robinet contenant des chloramines était utilisée pour la dialyse (Eaton et coll., 1973; Kjellstrand et coll., 1974; Klein, 1986; Fluck et coll., 1999; Weinstein et coll., 2000; Junglee et coll., 2010). Ces changements n'ont pas été observés chez les volontaires en bonne santé qui consommaient délibérément de l'eau potable chloraminée, ce qui indique qu'il est peu probable que la monochloramine ingérée demeure intacte lorsqu'elle pénètre dans la circulation générale (Lubbers et coll., 1982, 1984; Kotiaho et coll., 1992). Par conséquent, la dialyse n'a pas été considérée comme une voie d'exposition pertinente.

9.1.1 Toxicité aiguë

Seules deux études de courte durée ont été répertoriées sur les effets sur la santé humaine de l'ingestion d'eau potable contenant de la monochloramine. Elles n'indiquaient pas d'effets nocifs à des doses ne dépassant pas 24 mg/l.

Dans la phase I d'une étude à double insu sur la tolérance à une dose aiguë croissante, aucun effet n'a été observé sur le foie, la fonction thyroïdienne, la fonction rénale, l'hématologie ou l'état général de santé chez des volontaires de sexe masculin ayant consommé de l'eau distillée contenant jusqu'à 24 mg/l de monochloramine (Lubbers et coll., 1982). Des hommes (10/groupe, âgés de 21 à 35 ans) présentant une concentration de méthémoglobine, une fonction thyroïdienne et une concentration de glutathion normales ont absorbé, à 4 heures d'intervalle, deux portions de 500 ml d'eau désionisée déminéralisée exempte de matière organique seulement ou contenant de la monochloramine. Le traitement a été administré tous les 3 jours pour un total de 5 jours de traitement au cours d'une période de 13 jours. Les doses de monochloramine ont été augmentées au cours des traitements, passant de 0,01 mg/l le jour 1 à 24 mg/l à la fin du traitement. Une batterie de tests, notamment une analyse biochimique du sang et de l'urine (p. ex., cholestérol, triglycérides, triiodothyronine [T3]), une analyse hématologique (numération globulaire, concentration d'hémoglobine, d'haptoglobine et de méthémoglobine), une étude de la morphologie cellulaire et un examen physique, n'a permis de déceler aucune différence entre les valeurs avant et après le traitement (Lubbers et coll., 1982).

Dans une étude randomisée avec groupes parallèles et contrôlée par placébo réalisée par Wones et coll. (1993), les effets sur la thyroïde et les lipides étaient généralement absents, mise à part une légère augmentation de la concentration d'apolipoprotéine B à une dose de 15 ppm/jour de monochloramine. On a administré à trois groupes d'hommes en bonne santé (16/groupe) de l'eau distillée et une alimentation riche en gras et en cholestérol pendant les 4 premières semaines de l'étude afin d'établir des valeurs de référence. Pendant la période de traitement de 4 semaines, tous les sujets ont consommé la diète de l'étude et reçu 1,5 L d'eau par jour contenant de la monochloramine à 0 ppm (témoin), 2 ppm ou 15 ppm. La concentration sanguine a été mesurée à la fin de chaque période de 4 semaines afin d'évaluer le métabolisme lipidique (cholestérol total, lipoprotéines de haute densité [HDL], lipoprotéines de basse densité [LDL], triglycérides, apolipoprotéines A1, A2 et B) et thyroïdien (thyréostimuline [TSH], T3, thyroxine [T4]). Aucun changement n'a été observé dans la fonction thyroïdienne des groupes de traitement. Aucun changement n'a été constaté dans la fonction des lipides, mise à part une légère hausse statistiquement significative de l'apolipoprotéine B (un composant du cholestérol LDL) observée à une dose de 15 ppm (15 mg/l). On ne connaît pas l'importance d'une augmentation de l'apolipoprotéine B, indépendamment d'une variation du cholestérol LDL. Les limites de l'étude comprenaient des périodes de référence et de traitement relativement courtes et la consommation préalable d'eau potable chlorée par la plupart des sujets.

9.1.2 Toxicité chronique et subchronique et cancérogénicité

Exceptée une légère augmentation (bien que dans les limites de la normale) de T3 observée à la dose de 5 mg/l/jour (Lubbers et coll., 1984), les études de longue durée n'ont pas établi de lien entre la chloramination et certains effets sur la santé, notamment des symptômes cutanés, des effets sur les voies respiratoires supérieures et le cancer de la vessie (Zierler et coll., 1986, 1988; McGeehin et coll., 1993; Weintraub et coll., 2006; CDC, 2008; Vermont Department of Health, 2012). La plupart des études de longue durée sur les chloramines comparaient les effets de différentes méthodes de désinfection (chloration ou chloramination) sur des paramètres précis de la santé (p. ex., cancer de la vessie) ou utilisaient l'exposition aux chloramines comme groupe témoin. Ces études présentaient d'autres lacunes, dont une caractérisation insuffisante de l'exposition, une exposition antérieure ou concurrente au chlore et un biais de rappel, qui ne permettent pas d'utiliser les résultats aux fins d'une évaluation des risques (Zierler et coll., 1986, 1988; McGeehin et coll., 1993; Weintraub et coll., 2006; CDC, 2008; Vermont Department of Health, 2012).

Dans le prolongement d'une étude antérieure (décrite à la section 9.1.1), deux groupes de volontaires de sexe masculin en bonne santé (n = 10/groupe; âgés de 21 à 35 ans) ont reçu une quantité illimitée d'eau désionisée déminéralisée exempte de matière organique et ont été invités à ne pas boire d'eau du robinet. Un groupe a aussi consommé 500 ml d'eau contenant 5 ppm de monochloramine chaque jour pendant 12 semaines, suivies d'une période de récupération de 8 semaines (Lubbers et coll., 1984). La même batterie d'essais que dans l'étude précédente (Lubbers et coll., 1982) a été réalisée. Le seul effet statistiquement significatif était une augmentation de l'absorption de T3, qui a changé au fil du temps par rapport au groupe témoin; cependant, cette variation est demeurée dans les limites de la normale et n'était pas cliniquement pertinente.

Aucun lien direct n'a pu être établi entre les effets signalés sur la santé et la chloramination au cours de deux études menées aux États-Unis sur un service public local ayant délaissé le chlore pour les chloramines comme désinfectant secondaire (Weintraub et coll., 2006; CDC, 2008).

Après que le service public local est passé du chlore aux chloramines comme désinfectant secondaire, le San Francisco Health Department a reçu un petit nombre de plaintes concernant des dermatites (Weintraub et coll., 2006). Ces plaintes ont donné lieu à une enquête par questionnaire. En dépit d'une large publicité, seulement 17 personnes ont rempli le questionnaire sur les 2,4 millions de personnes qui résidaient dans la zone desservie. Parmi ces répondants, 11 avaient des antécédents d'allergie et 8, des antécédents de problèmes cutanés (p. ex., urticaire, zona, eczéma). Des 14 qui ont consulté un médecin, aucun ne se souvient d'avoir reçu un diagnostic. Selon les auteurs, étant donné l'hétérogénéité des plaintes (pas de liens entre les plaintes individuelles) et les problèmes de santé sous-jacents ou existants qui pouvaient expliquer les symptômes signalés, il est peu probable que les effets indiqués aient été causés par la chloramination. L'étude comportait certaines lacunes, notamment l'utilisation d'un échantillon de commodité, la taille réduite de l'échantillon ainsi que l'absence d'examen dermatologique et de validation du questionnaire. La couverture médiatique établissant un lien entre les plaintes relatives à l'état de santé et la chloramination peut avoir influencé la déclaration des symptômes (Weintraub et coll., 2006).

De même, le Vermont's Champlain Water District et le Public Health Service des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) ont conjointement enquêté sur les plaintes relatives à la santé (n = 74), par exemple, des symptômes touchant les voies respiratoires supérieures, un écoulement nasal et un larmoiement, une irritation de la gorge, des troubles gastro-intestinaux, une irritation cutanée et des démangeaisons après le passage du chlore aux chloramines comme désinfectant secondaire (CDC, 2008). Le passage à la monochloramine a été largement publicisé, et une campagne dans les médias contre la chloramination a été entreprise par un groupe citoyen nommé People Concerned about Chloramine (PCAC) avant la conversion. Des visites domiciliaires et des entrevues téléphoniques (46 sujets sur 50 répondaient aux critères d'inclusion) ont été effectuées auprès des personnes qui s'étaient plaintes d'ennuis de santé. Vingt-cinq répondants (54 %) avaient au moins un problème de santé existant (allergies ou asthme, problèmes cutanés, diabète, troubles auto-immuns, antécédents cardiaques, troubles respiratoires, arthrite, cancer). Des 32 personnes qui avaient consulté un médecin, huit ont reçu un diagnostic (cinq cas de psoriasis ou d'eczéma et un cas de liquide dans les poumons, d'éruptions et d'irritation oculaire superficielle). Au total, 23 des 34 participants qui avaient modifié leurs habitudes de consommation d'eau pour traiter leurs symptômes ont vu leur état s'améliorer. Des concentrations de chloramines de 1,8 à 2,3 mg/l ont été mesurées au point d'entrée dans le réseau de distribution. L'exposition des consommateurs n'a pas été mesurée, mais elle aurait été plus faible que la concentration à l'intérieur du réseau de distribution. Les symptômes peuvent avoir été influencés par l'auto-évaluation, la campagne médiatique et la présence de membres du PCAC lors des visites à domicile. Il n'a pas été possible d'établir un lien clair entre le traitement et les symptômes (CDC, 2008).

Un sondage de suivi a été mené auprès de 173 fournisseurs de soins de santé, dont des omnipraticiens, des médecins de soins primaires et des spécialistes, par le Vermont Department of Health afin d'évaluer la prévalence des problèmes de santé liés à l'utilisation de la monochloramine. Sur les 81 questionnaires retournés, aucun ne signalait de maladies directement liées à la consommation de monochloramine, et seulement deux patients présentaient des problèmes de santé existants qui auraient pu être exacerbés par la consommation d'eau chloraminée. Onze fournisseurs de soins ont dit ne pas être certains que les plaintes des patients étaient liées à l'eau, et 59 fournisseurs ont indiqué que l'eau chloraminée n'était pas à l'origine des plaintes des patients. On a conclu que certaines personnes pourraient être sensibles à la monochloramine contenue dans l'eau (Vermont Department of Health, 2012).

Aucune association n'a été établie dans trois études entre le cancer de la vessie et l'eau potable chloraminée, comparativement à l'eau potable chlorée (Zierler et coll., 1986, 1988; McGeehin et coll., 1993).

McGeehin et coll. (1993) ont étudié l'association possible entre le cancer de la vessie et les méthodes de désinfection de l'eau potable dans le cadre d'une étude de cas témoins en population réalisée au Colorado. Les cas (327 sujets atteints d'un cancer de la vessie) et les témoins (261 sujets présentant d'autres cancers, sauf le cancer colorectal et le cancer du poumon) ont été choisis à partir du Colorado Central Cancer Registry et étaient constitués uniquement de sujets caucasiens vivants âgés de 21 à 84 ans. Les antécédents résidentiels et l'historique de la source d'eau ainsi que des renseignements sur les facteurs de confusion potentiels ont été obtenus lors d'entrevues téléphoniques. On a établi un lien entre le lieu de résidence et les renseignements sur les services publics (p. ex., source de l'eau, type de désinfection) et utilisé cette corrélation pour créer des profils d'exposition. On a effectué une analyse de régression logistique pour tenir compte du tabagisme, de la consommation d'eau du robinet et de café et des antécédents médicaux. L'exposition moyenne par année-personne à des eaux de surface chloraminées était plus faible (p = 0,02) pour les cas (moyenne de 14,8 ans) que pour les témoins (moyenne de 18,8 ans). Le risque de cancer de la vessie diminuait à mesure qu'augmentait la durée de l'exposition aux eaux de surface chloraminées (p < 0,01), le risque estimé étant de 0,7 (intervalle de confiance [IC] de 95 %, 0,4-1,1) pour les sujets qui avaient consommé de l'eau chloraminée pendant 21 à 40 ans, tandis que pour ceux qui avaient consommé de l'eau chloraminée pendant plus de 40 ans, le rapport de cotes (RC) était de 0,6 (IC de 95 %, 0,4-1,0). Ce risque plus faible serait vraisemblablement attribuable à une diminution des années d'exposition à de l'eau chlorée et non à un effet protecteur quelconque de la chloramination, car aucune preuve biologique n'indique que la chloramination inhibe la transformation néoplasique de l'épithélium de la vessie. L'étude présentait certaines lacunes potentielles, notamment le changement des méthodes de désinfection effectué par certains services publics au fil du temps, l'hypothèse selon laquelle les paramètres de l'eau et les profils individuels de consommation d'eau étaient constants dans le temps, des lacunes dans les données historiques sur le traitement de l'eau et les profils d'exposition individuels et la possibilité d'un biais de rappel.

En se fondant sur les actes de décès du Massachusetts Department of Public Health, Zierler et coll. (1986) ont examiné les schémas de mortalité parmi les résidents de l'État (âgés de 45 ans ou plus) ayant consommé soit de l'eau traitée au chlore ou de l'eau potable traitée aux chloramines. Des sujets ont été assignés à chaque groupe selon le lieu de résidence au moment du décès. Aucune corrélation n'a été établie entre la mortalité par cancer et la consommation d'eau chloraminée, mais on a observé dans le groupe consommant des chloramines un nombre de décès légèrement plus élevé dus à la pneumonie et à l'influenza (ratio standardisé de mortalité [SMR] de 118; IC de 116-120 pour l'eau chloraminée comparativement à un SMR de 98; IC de 95-100 pour l'eau chlorée). Les décès causés par un cancer de la vessie étaient modérément associés à l'eau potable traitée au chlore (SMR de 105; IC de 99-111), mais non à l'eau potable traitée aux chloramines (SMR de 91; IC de 88-98). Les résultats devraient être considérés comme qualitatifs, car l'étude présentait un certain nombre de lacunes (p. ex., antécédents d'exposition fondés sur le lieu de résidence au moment du décès, erreur dans l'attribution du statut de maladie, défaut d'évaluer l'historique des lieux de résidence antérieurs, durée de l'exposition et qualité de l'eau), et peuvent avoir été influencés par des facteurs de confusion non identifiés ou non contrôlés. Les auteurs ont aussi indiqué que, dans le cas des décès dus à une pneumonie, la pneumonie peut avoir été une cause secondaire du décès, et le cancer ou une autre maladie sous-jacente était vraisemblablement la cause principale.

Dans une étude de cas témoins subséquente, qui prenait en compte la durée de l'exposition, Zierler et coll. (1988) n'ont pu établir de corrélation entre la mortalité par cancer de la vessie et la consommation d'eau de surface chloraminée. L'étude portait sur les données recueillies sur 614 personnes qui sont décédées d'un cancer primaire de la vessie après avoir été exposées à de l'eau de surface traitée au chlore ou aux chloramines pendant toute leur vie ou la moitié de leur vie. Le groupe témoin (1 074 personnes) était composé de cinq groupes de maladies : maladie cardiovasculaire, maladie vasculaire cérébrale, cancer du poumon, maladie pulmonaire obstructive chronique et lymphome. Les facteurs de confusion potentiels (p. ex., âge, sexe, paquets-années de cigarettes, emploi, situation socio-économique) ont été fournis dans le cadre d'entrevues par personnes interposées et contrôlés à l'aide d'un modèle de régression logistique multiple. La fréquence des décès par cancer de la vessie était plus élevée chez les personnes qui avaient habité toute leur vie dans des collectivités alimentées en eau potable chlorée que chez celles qui résidaient dans des collectivités alimentées en eau potable chloraminée. Cependant, l'U.S. EPA (1994 b) a souligné qu'il était impossible de trouver des sujets témoins qui n'avaient pas été exposés au chlore ou aux chloramines et que la relation entre la consommation d'eau chloraminée et l'incidence des cancers de la vessie ne peut être établie à partir des résultats de ces études.

9.1.3 Toxicité pour le développement et la reproduction

Dans la seule étude existante sur les effets pour le développement, la chloramination était moins susceptible de causer une issue indésirable de la grossesse que la chloration. Aschengrau et coll. (1993) ont réalisé une étude de cas témoins comparant l'issue indésirable de la grossesse (anomalies congénitales, mortinatalité, décès néonataux) avec des paramètres de qualité de l'eau potable de diverses collectivités (source, traitement, épreuves chimiques courantes).

L'adresse domiciliaire au moment de l'issue de la grossesse ou au cours du premier trimestre a été appariée aux analyses courantes de la qualité de l'eau menées par le Massachusetts Department of Environmental Protection et utilisée pour caractériser l'exposition. Après avoir effectué un ajustement pour tenir compte des facteurs de confusion potentiels (p. ex., race et âge de la mère, naissance antérieure avec anomalie congénitale, type de couverture d'assurance médicale, consommation d'alcool, source de l'eau, lieu de résidence), on a constaté que l'eau de surface chlorée était associée à un nombre accru d'enfants mort-nés (RC ajusté = 2,6; IC de 95 %, 0,9-7,5) et à des malformations importantes (RC ajusté = 1,5; IC de 95 %, 0,7-2,1) par rapport à l'eau potable chloraminée. Un certain nombre de lacunes (par exemple, l'absence de groupe témoin non traité, le fait de ne pas prendre en compte d'autres problèmes de santé de la mère, l'estimation sommaire de l'exposition individuelle, l'absence de données sur la consommation d'eau, l'absence de mesures des concentrations de chloramines) rendent difficile l'interprétation des résultats (Aschengrau et coll., 1993).

9.2 Effets sur les animaux de laboratoire

Les principaux effets observés dans le cadre des études sur des animaux avec la monochloramine étaient une diminution du gain pondéral, une réduction du poids des organes et des changements dans les paramètres sanguins. Cependant, des études appariées sur la consommation d'eau indiquent que ces effets sont probablement causés par une diminution de la consommation d'eau et ne seraient pas attribuables à la toxicité de la monochloramine (Daniel et coll., 1990, 1991; Poon et coll., 1997).

Aucune étude sur les effets cutanés n'a été recensée pour aucune des chloramines. La plupart des études sur l'exposition par voie orale chez les animaux portaient sur la monochloramine; une seule étude de toxicité subchronique par voie orale était existante pour la dichloramine et la trichloramine. Aucune étude sur la toxicité par inhalation n'a été répertoriée pour la monochloramine ou la dichloramine. Deux études de toxicité aiguë par inhalation étaient disponibles pour la trichloramine (Barbee et coll., 1983; Gagnaire et coll., 1994).

9.2.1 Toxicité aiguë

L'exposition aiguë par voie orale à la monochloramine a causé une irritation de l'estomac à fortes doses alors que ses effets sur les paramètres sanguins (p. ex., le glutathion [GSH]) étaient transitoires (Abdel-Rahman et coll., 1984; Kato et coll., 1997; Nishiwaki et coll., 1997; Umeda et coll., 1999). L'inhalation de fortes doses de trichloramine a causé une grave irritation des voies respiratoires (Barbee et coll., 1983; Gagnaire et coll., 1994).

9.2.1.1 Exposition par voie orale

Aucun effet important sur les paramètres sanguins n'a été observé dans un nombre limité d'études de toxicité aiguë par voie orale de la monochloramine, bien que des effets sur l'estomac aient été constatés dans des études menées à fortes doses.

Il a été montré que la monochloramine administrée par voie orale à des rats mâles (5/dose) à de fortes concentrations (20 mM, 60 mM et 120 mM, équivalant à environ 1 000 mg/l, à 3 100 mg/l et à 6 200 mg/l) irritait la muqueuse gastrique et entravait le processus de cicatrisation des ulcères de l'estomac à des doses ≥ 60 mM (équivalant à 11,25 mg/kg p.c., calculés), causant de graves lésions de la muqueuse (Kato et coll., 1997; Nishiwaki et coll., 1997; Umeda et coll., 1999).

Dans une autre étude portant sur plusieurs paramètres sanguins, des rats Sprague-Dawley mâles (4/dose) ont été gavés avec une seule dose de monochloramine dans de l'eau désionisée (0, 10 mg/l, 20 mg/l ou 40 mg/l) (Abdel-Rahman et coll., 1984). La fragilité osmotique n'a pas été touchée, alors que des hausses du taux sanguin de GSH, un antioxydant, ont été observées à 20 mg/l et à 40 mg/l 15 minutes après l'administration; ces valeurs se sont maintenues pendant 60 minutes, mais sont revenues à la normale au bout de 2 heures.

9.2.1.2 Exposition par inhalation

Barbee et coll. (1983) ont déclaré une CL50 par inhalation (1 h) de 112 ppm (550 mg/m3) chez des rats exposés à la trichloramine. Un œdème pulmonaire et la présence de liquide clair dans les poumons et la trachée ont été observés chez les animaux qui sont morts à la suite de l'exposition. Aucune mortalité n'a été observée à la concentration la plus faible de 58 ppm. À la concentration la plus élevée de 157 ppm, les rats présentaient certains symptômes, comme une irritation des yeux, un larmoiement excessif, de la salivation, des halètements et de l'inactivité ainsi que des convulsions et un écoulement nasal.

Dans une autre étude sur l'exposition par inhalation visant à évaluer l'irritation des voies respiratoires supérieures causée par les produits chimiques en suspension dans l'air, des souris OF1 mâles (n ~ 8/concentration) ont été exposées par voie oronasale à des doses de 0,19 à 5,0 ppm de trichloramine pendant 60 min (Gagnaire et coll., 1994). La RD50, une concentration d'exposition produisant une diminution de 50 % de la fréquence respiratoire et un indicateur de l'irritation des voies respiratoires, a été établie à 2,5 ppm. Une fois l'exposition interrompue, la récupération était plutôt rapide, sauf à la dose la plus élevée, où les souris ont récupéré plus lentement.

9.2.2 Exposition subchronique
9.2.2.1 Monochloramine : diminution du poids corporel et effets sanguins

Daniel et coll. (1990) ont exposé des rats Sprague-Dawley de la souche Crl:CD BR (10/sexe/dose) à 0, 25, 50, 100 et 200 mg/l de monochloramine dans l'eau potable (équivalent à 0, 1,8, 3,4, 5,8 et 9,0 mg/kg p.c. par jour pour les mâles et à 0, 2,6, 4,3, 7,7 et 12,1 mg/kg p.c. par jour pour les femelles) pendant 90 jours. Une réduction importante liée à la dose de la consommation quotidienne d'eau a été constatée chez les deux sexes à toutes les doses. On a aussi remarqué une baisse importante du gain pondéral (mâles à ≥ 50 mg/l et femelles à 200 mg/l) et du poids corporel final (les deux sexes à la dose la plus élevée). Des changements ont également été observés dans certains paramètres hématologiques et dans le poids absolu et relatif des organes en l'absence d'effets histopathologiques. Les résultats des analyses biochimiques montraient une diminution liée à la dose de la concentration de calcium à toutes les doses chez les mâles traités, tandis qu'une hausse a été observée chez les femelles à la plus forte dose seulement. Les changements hématologiques et les changements dans les paramètres biochimiques n'étaient pas liés à la dose ou significatifs sur le plan biologique ou alors, ils se situaient dans les limites de la normale pour les rats de cet âge et de cette souche. On a proposé une dose sans effet nocif observé (DSENO) de 100 mg/l (équivalant à 7,7 mg/kg p.c. par jour pour les femelles et à 5,8 mg/kg p.c. par jour pour les mâles) en se fondant sur le poids corporel final. Les auteurs ont suggéré de réaliser une étude appariée sur la consommation d'aliments et d'eau (où les sujets témoins reçoivent une quantité réduite d'eau, équivalente à celle du groupe traité) afin d'établir une distinction entre les effets toxiques systémiques et les effets sur le gain pondéral dus à une aversion gustative.

Une baisse du gain pondéral (≥ 50 mg/l chez les mâles et ≥ 100 mg/l chez les femelles), du poids corporel final (à ≥ 100 mg/l chez les deux sexes), de la consommation d'eau (≥ 12,5 mg/l pour les femelles; ≥ 100 mg/l pour les mâles) et de la consommation d'aliments (femelles seulement à 100 ppm et plus) a aussi été observée chez des souris B6C3F1 exposées à des concentrations de monochloramine de 0, 12,5, 25, 50, 100 et 200 mg/l (équivalant à 0, 2,5, 5, 8,6, 11,1 et 15,6 mg/kg p.c. par jour pour les mâles et à 0, 2,8, 5,3, 9,2, 12,9 et 15,8 mg/kg p.c. par jour pour les femelles) administrées dans l'eau potable pendant 90 jours (Daniel et coll., 1991). Des changements dans le poids relatif et absolu des organes à une dose ≥ 100 ppm ont été constatés en l'absence de lésions macroscopiques ou microscopiques liées au composé. Une augmentation liée à la dose de la numération des globules blancs a été remarquée chez les souris femelles à 25 mg/l et plus; des hausses ont aussi été mesurées chez les mâles, mais ces augmentations n'étaient pas liées à la dose. Par ailleurs, une diminution marquée du pourcentage de neutrophiles a été mesurée tant chez les souris mâles que chez les souris femelles aux deux doses les plus élevées, et une augmentation du nombre de lymphocytes a été observée chez les mâles seulement aux deux doses les plus fortes. D'autres changements hématologiques et biochimiques ont aussi été relevés à des doses de 12,5 mg/l et plus, mais ces modifications étaient irrégulières et non liées à la dose. Les auteurs ont établi une DSENO de 50 mg/l (8,6 mg/kg p.c. par jour pour les mâles et 9,2 mg/kg p.c. par jour pour les femelles) en se fondant sur une diminution du poids des organes, du gain pondéral et de la consommation d'aliments et d'eau. Ils ont indiqué que les effets observés pouvaient être une conséquence de la consommation réduite d'eau causée par une aversion gustative (Daniel et coll., 1991).

L'incidence de l'aversion pour le goût et d'une consommation réduite d'eau sur le poids corporel et le poids des organes a été évaluée par Poon et coll. (1997) à l'aide de rats Sprague-Dawley mâles (10/dose) exposés à 0 ou à 200 ppm de monochloramine (équivalant à 0 ou à 21,6 mg/kg p.c. par jour, tel que calculé par les auteurs de l'étude) pendant 13 semaines. Un groupe témoin recevant de l'eau (consommation d'eau restreinte) et un groupe témoin (recevant à volonté de l'eau tamponnée à l'aide de bicarbonate) ont été utilisés. Au cours de l'étude, le groupe recevant de la monochloramine consommait systématiquement moins d'eau (p < 0,05) que le groupe témoin qui recevait de l'eau à volonté. Le groupe recevant de la monochloramine et le groupe témoin apparié recevant de l'eau présentaient une diminution comparable du gain pondéral, du poids corporel final et de la consommation d'aliments. Des changements dans le poids des organes et des modifications mineures dans la biochimie, l'hématologie, l'immunologie et l'histopathologie ont également été remarqués dans le groupe traité ainsi que dans le groupe témoin apparié qui a reçu de l'eau. Les auteurs ont conclu que ces changements étaient liés à la consommation réduite d'eau et d'aliments observée dans les deux groupes et non à la toxicité de la monochloramine.

Une perte de poids corporel (50 ppm et plus) et une consommation réduite d'eau (25 ppm et plus) ont été observées chez les souris A/J mâles (12/dose) qui ont reçu de la monochloramine dans l'eau potable (0, 2,5, 25, 50, 100 ou 200 ppm) pendant 30 jours (Moore et coll., 1980). Aucun signe d'hémolyse ou d'autres effets sur le sang n'a été signalé.

En revanche, chez des singes verts africains adultes (cinq mâles et sept femelles) exposés à des doses de monochloramine dans l'eau potable pouvant atteindre 100 mg/l par jour (10 mg/kg p.c. par jour) suivant un protocole à dose croissanteNote de bas de page 2, on n'a recensé aucun effet indésirable sur le poids corporel ou la fonction thyroïdienne (concentrations sériques de thyroxine [T4]), l'hématologie, les fonctions oxydatives des cellules du sang ou la chimie sérique (Bercz et coll., 1982). Trois autres produits chimiques (dioxyde de chlore, chlorite de sodium et chlorate de sodium) ont aussi été testés sur les mêmes singes, avec une période de repos de 9 semaines avant l'introduction d'un nouveau produit chimique. On n'a prévu aucun groupe témoin distinct et on a utilisé les singes comme leurs propres témoins.

De même, aucun signe de toxicité manifeste, aucune baisse du gain pondéral et aucun changement hématologique n'ont été observés chez les rats exposés à de la monochloramine dans l'eau potable (jusqu'à 100 mg/l) pendant 45 jours, dans une étude commanditée par le Health Effects Research Laboratory de l'U.S. EPA (Bull, 1980). On a toutefois noté une plus faible quantité de méthémoglobine dans le sang à la dose la plus élevée, contrairement à la hausse prévue par les auteurs, à la lumière des observations faites sur des patients dialysés à l'aide d'eau du robinet chloraminée (Eaton et coll., 1973; Kjellstrand et coll., 1974; Klein, 1986; Fluck et coll., 1999; Junglee et coll., 2010).

Au bout de trois mois, le poids corporel avait considérablement diminué à la dose la plus élevée chez des rats Sprague-Dawley mâles (4/dose) exposés à des doses de monochloramine dans l'eau potable de 0, 1, 10 ou 100 mg/l pendant une période pouvant atteindre 12 mois (Abdel-Rahman et coll., 1984). On a aussi examiné des paramètres sanguins; cependant, les changements observés (fragilité osmotique accrue des cellules du sang et concentration réduite de GSH sanguin) n'étaient pas uniformes dans les groupes de traitement et n'étaient pas liés à la dose ou au temps. D'autres paramètres (diminution du nombre de globules rouges et du taux d'hématocrite) ont été examinés à mi-durée de l'étude, mais non après 10 mois. La concentration en hémoglobine et la concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine étaient réduites à 100 mg/l après 10 mois, ce qui, selon les auteurs, est une indication de lésions chez les érythrocytes. Aucune donnée sur la consommation d'eau n'était fournie dans cette étude; cependant, les auteurs ont noté une diminution importante du poids corporel à 100 mg/l, diminution qui pourrait avoir eu une incidence sur les paramètres sanguins, comme il a été observé dans d'autres études citées ci-dessus.

9.2.2.2 Monochloramine : effets immunotoxiques

Les effets immunotoxiques de la monochloramine ont été étudiés par Exon et coll. (1987). Des rats Sprague-Dawley mâles (12/dose) ont été exposés à des concentrations de monochloramine dans l'eau potable (0, 9, 19 ou 38 ppm) pendant 9 semaines à compter du sevrage (rats âgés de 3 semaines). Une diminution du poids relatif et absolu de la rate à la dose la plus élevée et une production accrue de prostaglandine E2 par les cellules résidentes adhérentes du péritoine ont été observées aux deux doses les plus élevées. Une diminution (relation dose-effet inverse) de la synthèse des anticorps sériques a également été observée aux deux doses les plus faibles (9 et 19 ppm). Un examen effectué par l'U.S. EPA (1994a) a indiqué que l'importance biologique de ces effets immunotoxiques de la monochloramine n'était pas claire, car il n'y avait pas de corrélation entre les divers paramètres immunologiques étudiés. On a également relevé des lacunes dans certaines des méthodes utilisées (p. ex., l'essai ELISA pour analyser les anticorps). Aucun autre résultat observable n'a été relevé pour ce qui est du poids corporel ou dans les autres immunoessais utilisés (Exon et coll., 1987).

Aucun effet immunotoxiqueNote de bas de page 3 attribuable à une exposition à la monochloramine n'a été observé lorsque des souris B6C3F1 femelles (8/dose) étaient exposées à de la monochloramine dans l'eau potable à des doses de 0, 2, 10, 20, 100 et 200 ppm (0, 0,4, 2, 4, 20 et 40 mg/kg p.c. par jour) pendant 28 jours (NTP, 2000; Guo et coll., 2011).

Au cours d'une étude de 13 semaines sur l'eau potable, une augmentation faible, mais statistiquement significative de l'activité de transformation des lymphocytes induite par la concanavaline A (une mesure de l'agglutination des cellules) a été observée chez des rats Sprague-Dawley mâles (10/groupe) qui ont reçu 200 ppm (21,6 mg/kg p.c. par jour) de monochloramine dans l'eau potable, comparativement à un groupe témoin apparié qui avait consommé de l'eau (Poon et coll., 1997). Un deuxième groupe témoin a reçu à volonté de l'eau tamponnée à l'aide de bicarbonate pendant toute la durée de l'étude. Le groupe ayant reçu de la monochloramine et le groupe témoin apparié qui a reçu de l'eau présentaient tous deux une diminution comparable du gain pondéral, ce que les auteurs ont attribué à la consommation réduite d'eau et d'aliments dans les deux groupes. Les auteurs ont aussi conclu que la monochloramine n'avait probablement pas d'effets immunotoxiques, car aucun effet n'a été observé sur le poids relatif du thymus et aucun changement histopathologique lié au traitement n'a été décelé dans le thymus et la rate.

9.2.2.3 Dichloramine et trichloramine

La toxicité par voie orale de la dichloramine et de la trichloramine a été évaluée dans une seule étude de toxicité subchronique. Des effets biochimiques et des effets histologiques légers à minimes ont été décelés à des doses de 0,2 ppm et plus chez les femelles et les mâles en l'absence de signes cliniques ou de variation du gain pondéral.

Des rats Sprague-Dawley (10/sexe/dose) ont été exposés à de la dichloramine (0, 0,2, 2, 20 et 200 ppm; équivalant à 0,019, 0,19, 1,9 et 18 mg/kg p.c. par jour pour les mâles et à 0,025, 0,26, 2,5 et 24 mg/kg p.c. par jour pour les femelles) ou à de la trichloramine (0, 0,2, 2, 10 et 90 ppm; équivalant à 0,020, 0,23, 1,1 et 9,6 mg/kg p.c. par jour pour les mâles et à 0,028, 0,29, 1,3 et 13 mg/kg p.c. par jour pour les femelles) dans l'eau potable pendant 13 semaines (Nakai et coll., 2000). La dichloramine a produit des effets histologiques minimes (hyperplasie épithéliale) dans le cardia de l'estomac à ≥ 2 ppm (≥ 0,19 mg/kg p.c. par jour) chez les mâles et à ≥ 20 ppm (≥ 2,5 mg/kg p.c. par jour) chez les femelles. Des effets minimes ou légers ont été observés dans le rein et la thyroïde, mais sans lien dose-effet clair, ni changements dans le poids relatif des organes ou manifestations cliniques. D'autres effets relativement légers, considérés comme des effets adaptatifs, ont aussi été constatés dans le foie. L'exposition à la trichloramine a produit des effets histologiques minimes ou légers dans la thyroïde à 2 ppm et plus tant chez les mâles (≥ 0,23 mg/kg p.c. par jour) que chez les femelles (≥ 0,29 mg/kg p.c. par jour). Des changements minimes à légers (considérés adaptatifs par les auteurs) ont été observés dans le foie des mâles à ≥ 0,2 ppm (≥ 0,02 mg/kg p.c. par jour), tandis qu'une dose de 90 ppm (13 mg/kg p.c. par jour) a causé une augmentation de l'activité enzymatique du foie chez les femelles. À la plus forte dose, des changements histopathologiques minimes ont aussi été décelés dans le rein chez les mâles et une augmentation du poids relatif des reins a été observée chez les mâles et les femelles. Bien que des changements histologiques aient été notés dans le rein chez les femelles à toutes les doses, aucune relation dose-effet n'a été observée pour ce qui est de l'incidence ou de la gravité.

Il convient de souligner que la consommation d'eau était réduite dans les deux études et que les effets minimaux signalés n'étaient pas associés à des manifestations cliniques dans la plage de doses étudiée.

9.2.3 Exposition de longue durée et cancérogénicité

Dans le cadre du National Toxicological Program, on a exposé des rats F344/N et des souris B6C3F1 (n = 70/sexe/espèce/groupe) à de la monochloramine dans l'eau potableNote de bas de page 4 (0, 50, 100 et 200 ppm) pendant 2 ans (NTP, 1992; Dunnick et Melnick, 1993). Les doses équivalentes moyennes pondéréesNote de bas de page 5 étaient de 0, 2,6, 4,8 et 8,7 mg/kg p.c. par jour chez les rats mâles et de 0, 2,7, 5,2 et 9,5 mg/kg p.c. par jour chez les rats femelles, de 0, 7,4, 14,0 et 23,8 mg/kg p.c. par jour chez les souris mâles et de 0, 7,6, 14,2 et 24,2 mg/kg p.c. par jour chez les souris femelles. Des sacrifices en cours d'étude (10/sexe/espèce/dose) ont été effectués aux semaines 14 et 66. On a observé chez les rats et les souris une diminution liée à la dose de la consommation d'eau pendant presque toute la durée de l'étude, diminution qui a été attribuée à une aversion pour le goût.

Chez les rats F344/N traités, la consommation d'aliments était comparable à celle des groupes témoins. Cependant, le poids corporel moyen dans le groupe de rats exposés à la plus forte dose (les deux sexes) a diminué (de 5 à 10 %) par rapport aux rats qui ont reçu une dose faible ou intermédiaire. Des changements dans le poids absolu et relatif du foie, du cerveau et du rein ont également été observés, mais ces variations étaient considérées par les auteurs comme liées à un poids corporel plus faible et non pertinentes sur le plan biologique. Chez les rats F344/N femelles, on a constaté une augmentation marginale statistiquement significative de l'incidence de leucémie à cellules mononucléées (LCM) aux deux doses les plus élevées, mais cette hausse n'était pas liée à la dose, puisque les effets à ces deux doses étaient très semblables : 8/50 (16 %), 11/50 (22 %), 15/50 (30 %) et 16/50 (32 %) pour le groupe témoin et les groupes à faible dose, à dose intermédiaire et à forte dose, respectivement. Par ailleurs, cette augmentation marginale se situait dans les limites (quoique dans les limites supérieures) indiquées pour les groupes témoins historiques (16 à 33 %) et aucune réduction de la période de latence pour le développement de la LCM n'a été constatée chez les rats femelles traités. Selon le NTP (1992), les éléments de preuve à l'appui d'une association entre la LCM chez les rats femelles et la consommation d'eau chloraminée sont faibles. Aucune hausse de la LCM n'a été observée chez les rats mâles. Aucun autre résultat clinique, effet hématologique, effet sur la survie ou lésion macroscopique ou microscopique n'était attribuable à la consommation d'eau chloraminée. Une DSENO a été établie à 8,7 mg/kg p.c. par jour (200 ppm), compte tenu de l'absence d'effets nocifs significatifs sur le plan biologique chez les rats mâles exposés à la plus forte concentration d'essai. Bien que des poids corporels plus faibles aient été mesurés à ce niveau d'exposition, cette diminution était vraisemblablement causée par une aversion pour le goût de l'eau potable.

Chez les souris (des deux sexes), il y avait aussi une diminution liée à la dose du poids corporel moyen pendant la plus grande partie de l'étude. La consommation d'aliments était semblable chez les souris mâles traitées et les sujets témoins et n'était que légèrement plus faible chez les femelles recevant une forte dose que chez les sujets témoins. Des changements dans le poids absolu et relatif des organes (rein, foie et cerveau) ont aussi été observés chez les souris exposées à une dose élevée et ont aussi été considérés comme liés à un poids corporel plus faible. Aucun autre résultat clinique, effet sur la survie ou lésion macroscopique ou microscopique n'était attribuable à la consommation d'eau chloraminée.

Au moment de l'étude, dans les conditions de l'essai biologique, le NTP (1992) a conclu à des signes équivoques de cancérogénicité, fondée sur la LCM, chez les rats F344/N femelles et à une absence de preuve de cancérogénicité chez les rats F344/N mâles ou chez les souris B6C3F1 des deux sexes. En 2006, le NTP a cessé d'utiliser des rats F344 dans les études de cancérogénicité en raison de l'incidence de fond élevée et variable de la LCM chez les rats F344, de la spécificité de la LCM pour l'espèce et la souche et de son importance discutable pour les humains, en particulier lorsque les taux s'inscrivent dans les valeurs historiques normales pour les sujets témoins (King-Herbert et Thayer, 2006; Maronpot et coll., 2016).

Dans un essai sur les foyers hépatiques chez le rat, la chloramine n'a pas induit d'augmentation des foyers hépatiques positifs de la gamma-glutamyl-transférase (foyers positifs de la GGT, un indicateur de cancérogénicité) chez des rats Sprague-Dawley mâles exposés à 14,75 mg/kg de chloramine dans l'eau potable (Herren-Freund et Pereira, 1986). Selon cette étude, la monochloramine n'était associée à aucun potentiel de formation de tumeurs. Des résultats négatifs ont aussi été obtenus pour des échantillons d'eau potable concentrés désinfectés à la monochloramine dans un autre essai sur les foyers hépatiques chez les rats (Miller et coll., 1986).

9.2.4 Génotoxicité

Les publications sur la génotoxicité des chloramines se limitent à quatre études in vitro et à deux études in vivo; ces études portaient sur la toxicologie génétique de la monochloramine seulement. La monochloramine ne s'est pas révélée génotoxique dans les études in vivo non plus que dans un test d'Ames modifié, mais était faiblement mutagène dans un test avec Bacillus substilis.

9.2.4.1 Résultats in vitro

Dans les études in vitro, la monochloramine s'est révélée faiblement mutagène dans un essai avec Bacillus subtilis, mais non avec Salmonella typhimurium TA100 dans un test d'Ames modifié sans activation métabolique (Shih et Lederberg, 1976a; Thomas et coll., 1987).

La monochloramine a induit des cassures simple-brin dans l'ADN de Bacillus subtilis (Shih et Lederberg, 1976 b), des cassures double-brin dans l'ADN plasmidique, une fragmentation de l'ADN et des cassures double-brin de l'ADN ainsi qu'une condensation de la chromatine dans les cellules de la muqueuse gastrique des lapins et des cellules cancéreuses gastriques chez l'humain (Suzuki et coll., 1997, 1998; Shibata et coll., 1999).

9.2.4.2 Résultats in vivo

La monochloramine n'a pas induit de lésions chromosomiques in vivo dans la moelle osseuse ou les spermatozoïdes de souris exposées par voie orale.

Aucune augmentation des érythrocytes polychromatiques micronucléés ou des aberrations chromosomiques n'a été observée dans la moelle osseuse de souris Swiss CD-1 (5/sexe/dose) gavées avec 1 ml de 0, 50 mg/l, 100 mg/l ou 200 mg/l de monochloramine par jour pendant 5 jours, puis sacrifiées (Meier et coll., 1985). Dans la même étude, les doses de gavage de monochloramine (0, 50 mg/l, 100 mg/l ou 200 mg/l) chez les souris Swiss CD-1 (4/sexe/dose) n'ont pas non plus causé d'aberrations chromosomiques.

Abdel-Rahman et coll. (1984) ont examiné la synthèse de l'ADN dans divers organes (par incorporation de 3H-thymidine dans le noyau), en administrant de la thymidine-méthyl par voie intrapéritonéale à des rats traités à des doses de 0, 1 mg/l, 10 mg/l et 100 mg/l de monochloramine pendant 3 mois. Une augmentation de la synthèse de l'ADN (indiquée par une captation accrue de 3H-thymidine dans le noyau des cellules des testicules) a été observée à 100 mg/l après un traitement de 3 mois, tandis qu'une captation accrue dans le noyau des cellules du rein et de la rate a été constatée aux deux doses les plus faibles (1 mg/l et 10 mg/l) seulement. La monochloramine n'a pas augmenté le nombre d'anomalies de la tête des spermatozoïdes chez les souris B6C3F1 mâles (10/groupe) gavées avec 1 ml de 0, 50 mg/l, 100 mg/l ou 200 mg/l de monochloramine par jour pendant 5 jours, puis sacrifiées (Meier et coll., 1985).

9.2.5 Toxicité pour la reproduction et le développement

Aucun effet sur le développement ou la reproduction n'a été observé dans deux études limitées de toxicité par voie orale chez des rats auxquels de la monochloramine avait été administrée dans l'eau potable. Aucune étude n'a été répertoriée pour la dichloramine et la trichloramine.

Des rats Long-Evans adultes mâles (12/dose) et femelles (24/dose) ont été gavés avec de la monochloramine administrée dans de l'eau désionisée à des doses de 0, 2,5, 5 et 10 mg/kg p.c. par jour pendant 66 jours (mâles) et 76 jours (femelles) avant et pendant l'accouplement. L'administration des doses a été maintenue pendant toute la gestation et jusqu'au 21e jour de lactation pour les femelles (Carlton et coll., 1986). Aucun changement n'a été observé dans le gain pondéral, l'hématologie, la fertilité, l'histopathologie des organes de la reproduction ou les paramètres des spermatozoïdes (dont la motilité, la morphologie et le nombre) chez les adultes. La lactation, la viabilité des portées, la taille des portées, le poids moyen des petits et le premier jour d'ouverture des yeux n'ont pas été touchés jusqu'au 21e jour postnatal. Plusieurs petits femelles ont été mis en observation pendant 28 à 40 jours après la naissance, et aucun effet n'a été observé sur le nombre moyen de jours avant l'ouverture du vagin. L'étude ne comporte pas d'analyse statistique des données.

Aucune anomalie importante externe, anomalie des tissus mous ou résorption n'ont été constatées chez les fœtus des rats Sprague-Dawley femelles (6/dose) exposés à de la monochloramine dans l'eau potable (0, 1 mg/l, 10 mg/l ou 100 mg/l) pendant deux mois et demi avant l'accouplement et jusqu'au 20e jour de gestation (Abdel-Rahman et coll., 1982). L'étude ne fournissait pas de renseignements sur les analyses statistiques, le poids maternel, la consommation d'eau potable et la consommation de monochloramine. On a également utilisé un petit nombre d'animaux par dose et indiqué les effets sur les fœtus en se fondant sur chacun des petits plutôt que sur la portée ou l'unité materno-fœtale.

10.0 Classification et évaluation

Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC, 2004) a déterminé que la monochloramine était « inclassable en ce qui concerne sa cancérogénicité pour les humains » (groupe 3), compte tenu des preuves insuffisantes recueillies chez les humains et les animaux de laboratoire. De même, l'U.S. EPA (1994a) considère que la monochloramine n'est pas classable pour ce qui est de sa cancérogénicité pour les humains (groupe D), compte tenu des preuves insuffisantes d'effets cancérigènes chez les humains et les animaux. Dans l'étude du NTP (1992), on a conclu que les indications d'activité cancérogène fondées sur une incidence accrue de LCM étaient équivoques (marginales) chez les rats femelles et que l'eau chloraminée ne montrait aucun signe d'activité cancérogène chez les rats et les souris mâles ou chez les souris femelles. Bien qu'une incidence accrue de LCM ait été observée chez les rats femelles, rien n'indique l'existence d'une relation dose-effet et d'une relation temporelle entre une augmentation de la dose et l'incidence de tumeurs. On a par ailleurs souligné que la LCM affichait un taux spontané d'occurrence chez les rats F344 femelles et que les taux indiqués dans l'étude du NTP (1992) se situaient dans la plage des valeurs historiques pour les témoins (U.S. EPA, 1994a). Le NTP a depuis cessé d'utiliser des rats F344 dans ses études de cancérogénicité en raison de l'incidence de fond élevée et variable de LCM chez les rats F344, de la spécificité de la LCM pour l'espèce et la souche et de son importance discutable pour les humains, en particulier lorsque les taux s'inscrivent dans les valeurs historiques normales pour les sujets témoins (King-Herbert et Thayer, 2006; Maronpot et coll., 2016).

Les bases de données sur la dichloramine et la trichloramine étaient limitées, seulement deux études de toxicité subchronique par voie orale ou dans l'eau potable étant existantes. Bien que d'autres études existent pour la trichloramine par inhalation, elles portent sur des expositions en milieu professionnel et dans les piscines intérieures, des conditions qui sont différentes de celles des réseaux d'eau potable. Il est peu probable que de la trichloramine soit produite lors de l'utilisation résidentielle d'eau potable chloraminée (p. ex., pendant la douche ou le bain).

La base de données sur la monochloramine est mieux caractérisée et compte des études de toxicité par voie orale, dont plusieurs études sur l'ajout de doses dans l'eau potable. Dans l'eau potable, la monochloramine est la chloramine prédominante, alors que la dichloramine et la trichloramine sont rarement décelées.

Une diminution du gain pondéral a été mesurée chez les animaux dans certaines études sur les effets chroniques et subchroniques de la monochloramine chez des rats et des souris. Ces effets sont survenus à des doses de 50 à 200 ppm (2,6 à 9,5 mg/kg p.c. par jour pour les rats; 7,4 à 24,2 mg/kg p.c. par jour pour les souris). Plusieurs auteurs ont indiqué que cet effet était probablement lié à une consommation d'eau réduite chez les rongeurs, vraisemblablement en raison d'une aversion gustative à de fortes doses de chloramine dans l'eau potable, et n'est donc pas considérée comme biologiquement significative (Daniel et coll., 1990, 1991; NTP, 1992). Cette opinion est aussi partagée par l'U.S. EPA (1994 b) et l'OMS (2011). Poon et coll. (1997) ont fait la démonstration de cet effet en ajoutant à leur étude un groupe témoin apparié ne recevant que de l'eau et ont observé des changements dans le poids corporel et le poids des organes ainsi que des changements mineurs dans la biochimie, l'hématologie, l'immunologie et l'histopathologie dans le groupe traité de même que dans les groupes témoins appariés qui ont reçu de l'eau. Les auteurs ont conclu que ces changements étaient liés à une consommation réduite d'eau et d'aliments et non à la toxicité de la monochloramine.

Certains effets immunologiques possibles ont été déclarés, mais l'importance biologique de ces effets n'est pas claire. Dans un petit nombre d'études, aucun effet lié au traitement n'a été observé sur le développement ou la reproduction chez les rats exposés à la monochloramine dans l'eau potable. Il faut également souligner que la monochloramine se décompose rapidement dans l'estomac (voir la section 9.2.3), et forme d'autres composés potentiellement toxiques en fonction du contenu et du pH de l'estomac.

Chez les humains, les résultats des études et des sondages disponibles n'indiquent aucun effet nocif sur la santé attribuable à une exposition à la monochloramine dans l'eau potable. Étant donné les limites de ces études (évaluation de l'exposition laissant à désirer, chloramination utilisée comme témoin, biais de l'échantillon), il n'a pas été possible de tirer des conclusions définitives. Il n'y a pas eu de rapports publiés d'irritation cutanée ou oculaire chez les humains après un bain ou une douche à l'eau du robinet chloraminée. Aucun renseignement n'est, en outre, disponible sur la toxicité systémique potentielle pouvant être causée par une exposition aux chloramines par voie cutanée.

Aucun paramètre toxique n'a été établi pour une exposition à la monochloramine (ou à la dichloramine ou à la trichloramine) en raison de l'absence de toxicité observée dans les études menées sur les rongeurs et les humains. Il n'a donc pas été jugé nécessaire d'établir une valeur basée sur la santé pour les chloramines dans l'eau potable.

10.1 Considérations esthétiques

Les chloramines sont généralement moins perceptibles et moins déplaisantes que le chlore libre. La monochloramine ne contribue ordinairement pas de façon importante aux problèmes de goût et d'odeur indésirables aux concentrations généralement utilisées dans l'eau potable; la présence de dichloramine et de trichloramine est plus susceptible d'amener les consommateurs à se plaindre du goût et de l'odeur. Ces plaintes peuvent constituer une source importante d'information pour les services publics lorsqu'ils adoptent des stratégies opérationnelles d'atténuation des goûts et des odeurs consistant à traiter l'eau afin d'éliminer les précurseurs de goûts et d'odeurs, à rincer le réseau de distribution et à réduire le temps de rétention et de séjour de l'eau dans le réseau de distribution. La principale fonction de la monochloramine est d'assurer une désinfection secondaire et de protéger ainsi la santé publique en maintenant l'innocuité microbiologique des sources d'approvisionnement en eau potable pendant la distribution. Par conséquent, lorsque des concentrations élevées de chloramines sont nécessaires pour maintenir des concentrations résiduelles efficaces de désinfectant dans l'ensemble du réseau de distribution, les seuils de détection du goût peuvent être dépassés.

10.2 Considérations internationales

Plusieurs organismes ont adopté des lignes directrices ou des règlements sur la concentration de chloramines dans l'eau potable, tous fondés sur l'absence de toxicité dans la même étude d'exposition chronique de deux ans (NTP, 1992), qui indique une DSENO de 200 ppm, soit la plus forte dose utilisée dans l'étude. Aucun des organismes n'a appliqué de facteurs d'incertitude supplémentaire pour tenir compte de la cancérogénicité possible, car les effets carcinogènes signalés dans l'étude étaient équivoques et que la fréquence des tumeurs se situait dans la plage observée chez les témoins historiques.

L'U.S. EPA (1998) a établi une concentration résiduelle maximale de désinfectant et une concentration résiduelle maximale cible de désinfectant pour les chloramines, toutes deux fixées à 4,0 mg/l (4 000 μg/l) et mesurées sous forme de chlore combiné total (Cl2). L'U.S. EPA (1998), qui reconnaît les avantages que présentent l'ajout en continu d'un désinfectant et le maintien d'une concentration résiduelle pour contrôler les agents pathogènes dans le réseau de distribution, estime que les concentrations résiduelles maximales de désinfectant constituent des normes applicables, comparables à la concentration maximale de contaminants. Les concentrations résiduelles maximales de désinfectant et les concentrations résiduelles maximales visées sont équivalentes parce qu'aucune limite n'est imposée par les méthodes analytiques ou les techniques de traitement.

L'Organisation mondiale de la Santé (2004, 2011) a adopté une recommandation de 3 mg/l (ou 3 000 μg/l) pour la monochloramine, en se fondant sur la même étude du NTP (1992). L'OMS (2011) a souligné qu'elle ne disposait pas de données suffisantes pour établir une recommandation pour les deux autres formes de chloramines inorganiques, à savoir la dichloramine et la trichloramine. La recommandation australienne pour la monochloramine dans l'eau potable est aussi fixée à 3,0 mg/l (NHMRC, 2011) et est fondée sur la même étude du NTP (1992). L'Union européenne n'a pas établi de valeur recommandée pour les chloramines, et seulement quelques pays européens utilisent la monochloramine comme désinfectant pour traiter l'eau potable.

11.0 Justification

Le but premier de la désinfection secondaire au moyen de monochloramine est de protéger la santé publique en maintenant l'innocuité microbiologique de la source d'approvisionnement en eau potable pendant la distribution. Les risques pour la santé associés aux chloramines ou de leurs sous-produits de désinfection sont beaucoup plus faibles que les risques liés à la consommation d'une eau qui n'a pas été adéquatement désinfectée. Des effets minimes ou nuls ont été observés chez les humains et les animaux après ingestion de monochloramine, et l'effet le plus important était une diminution du gain pondéral dans les études sur les animaux. Cet effet est toutefois attribué à une consommation d'eau réduite en raison d'une aversion pour le goût de l'eau potable contenant de fortes concentrations de monochloramine. On ne dispose pas de données suffisantes sur la dichloramine et la trichloramine pour établir un lien quelconque avec des effets indésirables sur la santé chez les animaux ou les humains. Par ailleurs, ces formes ne sont pas souvent décelées dans l'eau potable.

En se fondant sur l'absence d'effets toxiques observés dans les études sur les rongeurs et les humains, Santé Canada, en collaboration avec le Comité fédéral-provincial-territorial sur l'eau potable a jugé qu'il n'était pas nécessaire de formuler une recommandation pour les chloramines contenues dans l'eau potable. Il a également déterminé qu'il n'était pas nécessaire de fixer un objectif esthétique puisque les concentrations ordinairement présentes dans l'eau potable se situent dans les limites acceptables pour ce qui est du goût et de l'odeur et que la protection des consommateurs contre les risques microbiens demeure primordiale.

Lorsque des chloramines sont utilisées pour la désinfection de l'eau potable, il est recommandé d'en déterminer la concentration en fonction d'un réseau précis afin de s'assurer de l'efficacité de la désinfection et du maintien d'une concentration résiduelle adéquate tout en réduisant au minimum la formation de sous-produits et les problèmes esthétiques.

12.0 Références

Annexe A : Liste des acronymes

AHA
acides haloacétiques
ANSI
American National Standards Institute
APHA
American Public Health Association
CDC
Centers for Disease Control and Prevention (États-Unis)
CIRC
Centre international de recherche sur le cancer
Cl2:NH3-N
rapport pondéral chlore:azote ammoniacal
CT
concentration × temps
DPD
N,N-diéthyl-p-phénylènediamine
DSEO
dose sans effet nocif observé
EPA
Environmental Protection Agency (États-Unis)
GSH
glutathion
HOCl
acide hypochloreux
HPC
numération sur plaque des bactéries hétérotrophes (heterotrophic plate count)
IC
intervalle de confiance
LCM
leucémie à cellules mononucléées
LDM
limite de détection de la méthode
MON
matière organique naturelle
MRDL
concentration résiduelle maximale de désinfectant (maximum residual disinfectant level, États-Unis)
MRDLG
concentration résiduelle maximale cible de désinfectant (maximum residual disinfectant level goal, États-Unis)
ND
non disponible
NDMA
N-nitrosodiméthylamine
NSF
NSF International
NTP
National Toxicology Program (États-Unis)
OMS
Organisation mondiale de la Santé
p.c.
poids corporel
PORPB
pathogènes opportunistes des réseaux de plomberie des bâtiments
RC
rapport de cotes
SPD
sous-produits de désinfection
SPD-I
sous-produits de désinfection iodés
T3
triiodothyronine
T4
thyroxine
THM
trihalométhanes

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

Mesure de l'efficacité d'un produit chimique comme désinfectant et concentration résiduelle d'un désinfectant, mesurée en mg/l (C), multipliée par le temps de contact du désinfectant, mesuré en minutes (T).

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Note de bas de page 2

L'étude portait également sur d'autres produits chimiques présents dans l'eau potable.

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Note de bas de page 3

Les paramètres d'immunotoxicité comprenaient l'essai d'activité des cellules tueuses naturelles, les titres d'anticorps IgM, la technique des plages d'hémolyse, une numération des globules rouges, une numération et une analyse différentielle des globules blancs et le poids des organes (y compris le thymus et la rate).

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Note de bas de page 4

L'eau potable était tamponnée, filtrée au charbon et désionisée.

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Note de bas de page 5

Calcul des échantillons tirés de NTP (1992), annexe L (tableaux L3, L4, L7 et L8); dose par jour : [(13 semaines/nombre total de semaines) X valeur moyenne pour les semaines 1 à 13] + [(39 semaines/nombre total de semaines) * valeur moyenne pour les semaines 14 à 52] + [(49 semaines/nombre total de semaines) X valeur moyenne pour les semaines 53 à 101] = doses équivalentes moyennes pondérées calculées

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